Akira Kurosawa signe encore un des plus grands films noirs qui soit doublé d'une riche aspiration philosophique. A travers un récit à la richesse d'une ampleur vertigineuse construit en 3 actes, il nous plonge dans son histoire avec une force incroyable. La situation mise en place par le début du premier acte est aussi terrible que jouissif, un homme se retrouve face à dilemme cornélien: choisir entre garder sa fortune pour pouvoir asseoir son pouvoir dans son entreprise ou l'abandonner pour sauver un enfant qui n'est pas le sien. Kurosawa remet dès le début en question les principes moraux de son personnage principal, et invite ainsi le spectateur à prendre ses distances vis-à-vis des protagonistes. Ensuite vient l'investigation policière qui, sous une fausse apparence classique, se révèle palpitante et extrêmement bien construite, avec une rigueur dans l'action insufflée à travers une multitude de courts flashbacks. Le dernier acte est d'une grande noirceur et réduit à néant l'heureux dénouement apparent par un constat amer sur le clivage riche / pauvre qui nous laisse bien pessimistes. Armé d'acteurs grandioses, à savoir notamment les légendaires Toshiro Mifune et Tatsuya Nakadai, Kurosawa tisse une toile fascinante dans lequel ses personnages englués s'ébattent vainement, remettant en cause nos principes moraux et leurs applications en constatant qu'avant toute chose réside la nature humaine, et que ces principes n'ont pas la même valeur ni le même impact selon que nous vivons en enfer ou au ciel (on retrouve l'idée de la ville de Metropolis de Fritz Lang reprise dans de nombreux films de science-fiction, avec l'opulence en haut et la pauvreté et la misère en bas). Néanmoins, cet enfer et ce ciel ne sont pas seulement physiques et géographiques mais également symboliques puisque le titre reflète également les incessants allers-retours moraux du personnage de Mifune.