Échappant au confortable misérabilisme de la plupart des œuvres traitant des interactions entre classes sociales, échappant aussi à la tentation de se choisir un camp, Entre le Ciel et l'Enfer ne cherche pas de coupables. Le plus digne et respectable des Hommes est condamné à causer des dégâts par sa seule existence quand il tient pour acquis un ordre social qui place sa maison au-dessus des autres.
Et digne, il l'est, le personnage de Mifune. Respectable et respectueux, humain, capable de sacrifier son statut et son confort pour sauver un enfant, alors même que rien ne l'y pousse et quand même la police comprendrait qu'il ne le fasse pas. Mais, si bon soit-il, sa grande maison climatisée nargue une population qui crève de chaud et de pauvreté. Ce qu'il a, tout le monde ne l'a pas. Il a travaillé pour en arriver là ? D'autres ont travaillé plus dur que lui et meurent dans la ville basse. La seule existence de cette hiérarchie est génératrice de haine ; pas une haine de victime ou de misérable, une haine fière et droite dans ses bottes.
Kurosawa, lui, il n'est pas là pour vous dire quoi penser. Comme vous, dans la scène finale, Gondo-san a vu la réalité du monde et les conséquences de cette hiérarchie, avant de se retrouver seul face à son propre reflet, dans le silence, sans personne pour lui dire si l'ordre du monde est normal ou anormal.