-Film d'auteur du polonais Jerzy Skolimowski. Voici ce qui serait bien ma Palme d'or 2022, quoique je n'ai pas encore vu plein de films de la sélection mais il serait étonnant d'en voir un autre aussi bon (ou de bon tout court...). Il suffit d'associer de façon un peu originale des images et des sons un peu originaux (un peu ça suffit, pas besoin de changer le monde non plus ça ira comme ça messieurs merci), et pouf, le cinéma apparait. Des fourmis sur une bûche, la lumière dans un parking de nuit, l'âne entrain de boire à la rivière, un gros gardien de but qui se chauffe sur sa ligne pour arrêter un pénalty. Mélangé ça à des sons intéressants, d'abord les bruits de la nature, et puis des musiques différentes de la techno de la musique classique, et aussi surtout plein de scènes en silence ou en son naturel. Et hop, dans la boîte.
-Le film tient sur une contradictoire simple : D'un côté on a du cinéma à l'image grandiose, à la "photographie à tomber par terre" comme disent les journaux n'est-ce-pas, et, de l'autre, toute cette photographie magnifique est mise au service d'un âne, pas de Monicca Bellucci, pas de Joaquin Phoenix, pas de Benoit Magimel (oui oui Pacifiction, tutututte viens ici un peu oui c'est bien à toi que j'parle), mais elle est au service d'un âne. Et là, là, voyez-vous voyez-vous, dans cet adorable petit creuset à l'image d'une défectueuse anfractuosité embusquée dans une grotte, se cale et s'enroule tout le cinéma du monde que l'on voudra... Il suffit de trouver comme ça des contrastes. Or, pour trouver des contrastes, il faut être en état de grâce, il n'y'a pas de secret. Regardez la facilité de Godard ou des Straub à trouver toujours des contrastes fonctionnels par exemple.
-Il existe sur cette terre un très grand plaisir intellectuel, grandement sous-estimé, qui est de réparer dans sa tête les mauvais films (ou n'importe quelle mauvaise œuvre de n'importe quel domaine), de les remettre en scène pour qu'ils deviennent bons. Skolimowski a fait ça, il a fait ça avec le Au Hasard Baltazar de Bresson (un des rares mauvais films de Bresson!), ce qui prouve bien que remaker des mauvais films est une des meilleurs façons qui existent et une des plus sûres afin de faire de bons films ! En fait, le film de Bresson était tout simplement en avance sur son temps, or, être en avance, c'est la même chose qu'être en retard, c'est mauvais et ça ne sert à rien : Il faut simplement être pile à l'heure, un bon film est pile à l'heure, ce EO est pile à l'heure.
-Aussi, on peut dire que ce film c'est Terrence Malik + la mise-en-scène, car, contrairement aux films d'un Malik, ce EO est un film vraiment spirituel métaphysique et décalé. en tous cas, mon compteur Geiger de pureté a fait bip. Bip bip bip bip. A voir ces autres films, je n'en ai vu que deux ou trois de ce Skolimowski mais très mauvais je crois.