Puisque les ânes ne font pas de films sur les hommes, Skolimowski a fait un film sur un âne qui nous regarde. Non pas au hasard, Balthazar, mais très exactement vers le rouge. Vous n'êtes pas sans savoir qu'une étoile qui s'éloigne de nous se décale vers le rouge, n'est-ce pas. Le moindre des ânes connait cette bonne vieille règle d'astrophysique. Certes, Eo n'a pas le charme de Monica Vitti, mais il en a la grâce et la spontanéité dans ce désert rouge remixé par Pinocchio. Quel acteur ! Si Cannes lui avait remis la palme du meilleur espoir masculin, je m'intéresserais de nouveau à Cannes.
Une star est née dans cette errance façon Antonioni. Ce film contient beaucoup d'éléments "érroïques" de l'histoire du Cinéma :
- parti pris impossible, pari tenu
- proposition esthétique, ça vous plait ou pas, mais c'est proposé au regard et à rien d'autre, rien ne vous est montré autrement que par ce regard biaisé... flottant, tantôt nous, tantôt lui, un autre animal, un robot... Rashomonesquement distillés par touches... aucunes ne détenant la vérité...
- ambiguïté morale merveilleuse : sans nous ou avec nous, l'enfer se teinte de beauté, tantôt supportable ou insupportable, mais ça continue et on ne sait plus quoi penser...
Vous ne trouvez pas ?
Une étoile est née, qui s'éloigne vers le rouge.
Et si vous vous identifiez trop à l'animal, pour vous assurer une place du bon côté, Skolimowski vous met un bon coup de sabot...
Sublime figure de l'idiot révélant que la bétise est la chose la mieux partagée. ( Aparté : faire une liste des films sur les idiots sublimes)
Et à la fin, nous serons abattus comme des ânes.
Encore merci Skoli !