Larry Cohen réalise Épouvante sur New-York en réponse à son éviction de J’aurai ta peau après avoir informé certains partenaires de l’intention des producteurs de ne pas les rémunérer*. Afin de préserver son image auprès de l’industrie cinématographique, Cohen se lance immédiatement dans la production d’un nouveau film, sur la base d’un scénario d’une centaine de pages dont il vient d’achever l’écriture. C’est ainsi que deux semaines après son renvoi, Larry Cohen débute le tournage de son neuvième long métrage ; un record !
Inspiré d’un voyage effectué au Mexique et de la visite du temple de Quetzlcoatl, Épouvante sur New-York se veut être, pour son auteur, un film de monstre dans la lignée de King Kong sur fond de meurtre rituel en plein cœur de la « grosse pomme ». En lieu et place de l’Empire State Building, le Chrysler Building sert de nid à ce mythique serpent ailé mesoaméricain sillonnant le ciel new-yorkais en quête de chair fraîche. Un tournage sur les lieux mêmes de l’action, faute d’un budget suffisant pour construire des décors en studio, et dans un esprit de quasi improvisation : l’arrivée du personnage joué par David Carradine dans le bar où Quinn (Michael Moriarty) passe un essai est ainsi improvisé alors que l’acteur, dans ses habits de ville, venait tout juste de débarquer de son vol depuis Cannes. Une méthode de travail singulière qui met également à l’épreuve les nerfs de l’équipe des effets visuels, contraint d’élaborer des trucages sur des images en mouvement sans avoir été consulté au préalable et au mépris des storyboards conçus en amont.
A l’écran, cependant, rien ne transparaît. La musique de Robert O. Ragland est de très bonne facture. La mise en scène, plutôt maline, contourne la faiblesse de son budget par une réalisation astucieuse. L’animation de la créature en stop-motion fait relativement illusion. Même les concessions accordées par le réalisateur au célèbre producteur de série B Samuel Z. Arkoff, qui réclamait davantage de plans sanglants en contrepartie de l’achat des droits à l’international, participe au charme du film. Épouvante sur New-York se situe ainsi sur une ligne de crête, mêlant sérieux, violence et humour sans jamais paraître ridicule ou verser dans l’outrance. Loin d’être exempt de défauts – parmi lesquels un montage aux transitions un peu raides et un scénario qui sent le premier jet – l’ensemble se tient grâce au professionnalisme de Larry Cohen ainsi qu’à son casting. Outre la présence du charismatique David Carradine et de l’indéboulonnable Richard Roundtree, celle de Michael Moriarty (l’ambiguë Erik Dorf dans la minisérie Holocauste) constitue une valeur ajoutée indiscutable à cette distribution, apportant à son personnage, ex-junkie et escroc à la petite semaine qui se rêve chanteur de jazz, une folie (GET HIM ! EAT HIM !) qui le rend totalement attachant.
Épouvante sur New-York est une sympathique série B qui, au regard du temps de production très court dont il a bénéficié, s’en sort plutôt bien. Il rencontre par ailleurs un joli petit succès au box-office, ce dont ne peut se vanter J’aurai ta peau qui, sorti le même jour sur les écrans américains, connaît un cuisant échec commercial, achevant ainsi la revanche pris par Larry Cohen sur ses anciens producteurs.
** Toutes les informations sur la production du film ont été tirées du livret accompagnant le blu-ray édité par Rimini.*