"Mais tu sais, je suis pauvre, et mes rêves sont mes seuls biens ,
J'ai déroulé mes rêves sous tes pieds,
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves."
L'Attrape-Rêves de William Butler Yeats. Frissonnante signature poétique face au nouveau monde post-apocalyptique dénué d'amour, de passion. Une humanité déshumanisée, robotisée, informatisée se meut dans les artères de Libria, la ville sans vie, fossoyeuse de toutes sensations humaines. Une dictature d'un nouveau genre domine, sans violence ni chaos, régie par l'uniformité, cimentée par le Prozium annihilateur des capacités émotionnelles. L'Homme n'est qu'un, ne doit être qu’un atome démagnétisé du tout, vertu unificatrice du Prozium. Ce remède aux pulsions de vie de l’humain existe pour préserver la société, non à des fins personnelles mais pour supprimer l'individualité par la conformité, l’unicité par la similarité, dans l'absolu certitude d'un avenir sans surprise. Une dichotomie forte est lancinante dans l’œuvre entre les vestiges d'émotions ressenties, le tribut des passions face à la substance du néant sous formol.
Un univers épuré de toute couleur, tout tissu, toute sensation de confort. Tout est froid, informe, bétonné. La mise en scène est gelée, fixe mais efficace. Des scènes de combats survoltées, dans la lignée des Matrix, animent le fil scénaristique emmené par un excellent Christian Bale dans son rôle d'un Néo en rupture avec le monde qu'il défendait et qui le trompait. Une arctique interprétation de rigueur du reste du casting (Angus McFayden et Matthew Harbour) cultive l’ambiance polaire de la réalisation.
Exister pour exister ou Exister pour vivre, pleurer, souffrir , jouir , aimer ... "Privé d'amour le souffle n'est qu'une horloge qui égrène les heures".