ATTENTION JE SPOILE BEAUCOUP
Eraserhead est le premier long-métrage de David Lynch, qui pose dès le début les bases de son cinéma obscur et onirique. L'histoire du film tient en quelques lignes : dans un monde surréaliste, Henry est contraint de rester enfermé dans sa chambre pour s'occuper de son bébé né prématurément, qu'il a eu avec une jeune fille du nom de Mary ; il va alors peu à peu sombrer dans le mal-être et la folie. Durant les deux-tiers du film, Henry est donc enfermé avec le bébé.
Eraserhead est d'abord un travail sur l'ambiance et un travail esthétique. Le film nous plonge dans un univers étrange, obscur et incompréhensible, où les sons comme les images créent une ambiance surréaliste et dérangeante. Les décors, les personnages, les bruits, les jeux de lumières et les créatures informes participent à la création d'un malaise chez le spectateur, qui ne comprend alors pas les images sidérantes qui défilent devant ses yeux. Très lent, le film prend le temps de nous imprégner du milieu dans lequel il se déroule et de son ambiance unique.
Eraserhead est ensuite un travail sur la symbolique, c'est un film qui ne s'explique pas par lui même et où rien n'est dit explicitement, il nécessite un travail d'interprétation. Les nombreuses séquences incompréhensibles et les petits détails de mise en scène sont là pour nous donner des indices sur la signification du film. Le film est tellement riche qu'il est difficile de tout analyser et de donner un sens à tout.
Mon interprétation personnelle est que Henry sombre dans le mal-être à cause de la responsabilité qu'il est contraint d'avoir par rapport son bébé. Ce bébé est représenté comme une créature monstrueuse qui le dépossède de sa vie et va même jusqu'à lui faire perdre la tête, au sens propre, dans un de ses rêves, tête qui finira transformée en crayon. L'ambiance toujours plus sombre et les scènes de rêves traduisent le malaise du personnage et ses différents désirs : s'évader pour rejoindre le paradis ou encore entretenir des relations sexuelles avec sa voisine. Ces désirs sont cependant rendus inaccessibles par l'omniprésence du bébé, qu'Henry finit donc par tuer. Ainsi, il est libéré de sa responsabilité et peut rejoindre le paradis où une danseuse mystérieuse l'attend, tentant de l'attirer en chantant une chanson angélique : « In heaven, everything is fine ». On peut ainsi voir le film comme une métaphore du suicide, où le personnage souhaite aller au paradis pour fuir sa vie cauchemardesque.
Ainsi dans ce film David Lynch ne nous raconte pas une histoire, il nous montre des images fortes, des symboles qu'il est libre à chacun d'interpréter comme il le souhaite, le film n'a pas d'explication définie. C'est d'ailleurs une caractéristique de son cinéma que l'on retrouvera dans beaucoup de ses films notamment Mulholland Drive ou Lost Highway.
(Cette analyse a été écrite dans le cadre de mon dossier pour l'option cinéma-audiovisuel du bac. Ce dossier développe le thème suivant : Un film doit-il forcément avoir pour but premier de raconter une histoire?)