L’ours Ernest et la petite souris Célestine sont les héros d’une collection de petits livres pour enfants, créée et illustrée par feue Gabrielle Vincent. Pas de quoi en tirer un long métrage… à moins qu’un auteur ne parvienne à en « tirer » une « histoire ». Benjamin Renner s’est associé aux créateurs de l’inoubliable Panique au village, Stéphane Aubier et Vincent Patar, pour convaincre Daniel Pennac de se prêter à l’exercice. Ce dernier a choisi de conter la genèse de leur amitié : l’ursidé Ernest est un artiste de rue marginal, bougon, débonnaire et peu regardant sur la propriété privée. Célestine est une toute jeune muridae dégourdie mais rebelle, ne refuse-t-elle pas un avenir de dentiste pour se consacrer au dessin ! Précisons qu’ours et souris se détestent et qu’il sera beaucoup question de dentisterie. Les plantigrades vivent en surface, dans un monde fort policé où les artistes de rue sont verbalisés et les affaires du confiseur florissantes, tandis que son épouse, patronne de La dent dure, monnaye des dents de rechange. La communauté des petits rongeurs prospère en sous-sol, toute affairée à chaparder les dents perdues par les ours pour en tirer des implants dentaires. La petite souris de Juan Pablo Buscarini fonctionnait déjà sur l’idée de la récupération des dents de lait, avec plus d’humour. Objectivement, exposé ainsi, le scénario est tiré par les cheveux et les deux sociétés parfaitement improbables.
Pourtant, le film m’a séduit, d’abord par la qualité de ses décors, magnifiquement peints à l’aquarelle, toute de réserves et d’estompes. Le traitement des personnages m’a surpris par leur simplicité, qui confine à l’épure, mais qui est, de fait, la reprise du style de la créatrice belge. Dès les premières images, l’animation se révèle un succès et la magie opère.
Si l’image est sobre, elle met en valeur le subtil travail de la bande son. La BO de Vincent Courtois, les chansons de Thomas Fersen, les bruitages ou les voix de Lambert Wilson et Pauline Brunner apportent une richesse bienvenue.
Enfin, la bonhommie des héros finit par séduire des spectateurs conquis, mais aussi leurs congénères qui, dans un retournement final, accepteront l’effondrement de leurs préjugés ancestraux.