Découvrir Escape Room est une expérience hallucinante : il n'a strictement aucun intérêt horrifique, de sa première à sa dernière seconde. Le réflexe, à la fin du générique de conclusion, revient naturellement à rationaliser le visionnage en se disant que c'est sûrement fait exprès; on ne peut se résigner à l'idée qu'un film d'épouvante qui met cinquante minutes à se lancer (déjà c'est fort) alors qu'il n'en dure que 80 (générique inclus) et ne contient aucune séquence efficiente est à considérer comme appartenant au registre de l'horreur.


Particulièrement quand il ne sait pas où se positionner dans le genre, qui plagier le plus entre Cube et Saw : faut-il être plus violent qu'intellectuel, ou est-ce l'inverse? Doit-il privilégier le psychologique ou le brutal, la suggestion ou le frontal bien gore et salace, la réflexion profonde des sciences dures ou la tension intrigante du jeu? Un mix de tout cela dans l'idée qui ne donne pas grand chose au final.


D'où les quarante minutes de développement des personnages autour d'un long repas au caractère comique qu'il est difficile de considérer comme volontaire. Ce moment convivial est présenté comme un tableau d'une dynamique de groupe représentative de la dynamique sociale américaine (de jeunes cadres à l'avenir prometteur et leurs compagnes respectives au sourire Colgate permanent). Il est perturbé par la présence, au milieu des belles et beaux riches (qui se retrouveront bientôt chez Belzébuth), de leur pote la plouc de service, qui ne sert visiblement qu'à jouer la plouc de service (elle disparaîtra complètement du film au moment où les personnages partiront pour l'Escape Game, soit quand l'intrigue décidera de se lancer).


Après cette critique bien appuyée (au moins 3 ou 4 fois) des rapports sociaux illusoires récoltés par le pouvoir et l'argent (avec, en supplément, le mépris de classe du film, qui voudrait nous faire croire que le style de vie de ces riches traîtres est préférable à celui de la pouffiasse honnête mais qui est et restera, signalons-le, une pouffiasse), Escape Room abandonnera toute tentative de paraître intelligent en éliminant toute possibilité d'être original; tant mieux d'un côté, ça ne fonctionnait pas.


Il pouvait pourtant se la jouer intrigue alambiquée, avec le regard de traîtresse de service que tire la copine du héros : couplé à son sourire machiavélique (c'est à peu près la seule chose qui marque pendant le visionnage), on en vient à tirer tout un tas d'hypothèses complexes mais néanmoins crédibles qui auraient pu élever le scénario de son simple stade d'enchaînement d'énigmes et de morts tordues. Erreur, Jean-Pierre : il faut faire gaffe à ne pas le surestimer en surinterprétant ce qu'on va faussement considérer comme des indices, alors que ce ne sont que des marques supplémentaires de son manque abyssal de réflexion et de complexité.


Parce qu'il n'est pas capable de construire une intrigue avec des enjeux cohérents, des idées abouties et des personnages auxquels le spectateur pourra s'identifier, ce film d'horreur de catégorie z ne cherche à proposer aucun retournement de situation autre que des révélations éventées sur qui, de cette bande de clichés insupportables et abrutissants, a trompé qui. Des révélations dont on se carre majestueusement l'oignon : évidemment qu'on les voulait sur le psychopathe qui dirige le carnage, pas sur les ébats sexuels que Pierre avait cachés à Jacqueline.


Ce déroulé linéaire empêche la survenue de toute surprise : les morts, les plans de caméra, les jumpscares, tous les éléments qui composent habituellement un film d'épouvante classique seront prévisibles avant leur annonce et dévoileront, c'était attendu, l'étendue de la bêtise et de l'illogisme du comportement des personnages. Une connerie cosmique qui prête à rire franchement et entraîne le spectateur à changer sa manière d'appréhender les évènements : au lieu de se questionner sur ce qui arrivera aux personnages, il pariera sur quand cela arrivera et de quelle façon grotesque ils réagiront.


Cela jusqu'à sa tentative de proposer une conclusion originale, ouverte et si abrupte qu'elle laisse sur la sensation qu'il lui manque un dernier segment. Pour le coup, c'est effrayant de voir la fin d'un film inachevé, vous ne trouvez pas?

FloBerne

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7
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