Gilles Bourdos est un réalisateur assez rare (environ un film tous les quatre ans) qui s’essaye à différents styles. Après le thriller psychologique (le très beau « Inquiétudes »), le film mêlant le fantastique et la romance (l’adaptation du roman de Guillaume Musso « Et après ») et la biographie de peintre (« Renoir »), le voici qui s’attèle au drame choral. « Espèces menacées » est le portrait mêlés d’une dizaine de personnages répartis sur trois familles qui vont (un peu) se croiser sur la Riviera française. Le ciment du film est constitué des rapports malades entre des parents et leur progéniture. Des parents rejetés par leur fille car ils n’acceptent pas son jeune mari violent, un père démissionnaire et sa femme castratrice que leur fils doit gérer et des parents dépassés par le choix de leur fille qui veut épouser un homme de trois fois son âge.
« Espèces menacées » aurait pu être un très grand film mais il souffre d’un déséquilibre marquant dans sa structure qui handicape complètement tout son fonctionnement. En effet, on ne sait pas si c’est un choix de montage ou un problème de scénario mais dans les trois histoires, l’une d’entre elles est complètement mise de côté et c’est certainement celle qui paraissait la plus intéressante. Celle où Eric Elmosino apprend que sa fille (Alice de Lencquesaing) est enceinte d’un homme de 63 ans (Carlo Brandt) avec qui elle va se marier. Cette partie n’a le droit qu’à une très belle et longue scène téléphonique à la tonalité plus légère en début de long-métrage, à quelques moments avec l’ancien interprète de Gainsbourg qui rencontre d’autres personnages et à une conclusion assez sommaire. Cela créé un sentiment de frustration assez important qui donne au film un aspect boiteux. Pourquoi intégrer ses scènes si c’est pour se désintéresser du sujet tout le reste du film ou les avoir coupées pour n’en laisser que deux ? Etrange et dommageable.
D’autre part, les sujets traités sont assez lourds moralement (femme battue, mère à l’asile, divorce, …) mais le film a beaucoup de mal à nous toucher. On a l’impression que, constamment, l’émotion reste bloquée à la surface et que les sentiments des personnages ne nous atteignent pas. Dommage car le casting est de toute beauté. Ce ne sont pas des acteurs très connus, plutôt des seconds couteaux de haut niveau, mais ils sont tous au diapason et irréprochables. On retiendra surtout la jeune Alice Isaaz vraiment de plus en plus prometteuse, Grégory Gadebois, brut et intense, et la trop rare Brigitte Catillon en mère folle et tyrannique. Et bien sûr, comme pour ses précédents films, on ne peut que louer la mise en scène de Bourdos. Il filme l’hiver sur la Côte d’Azur de la plus belle des façons. Loin des clichés touristiques, il enveloppe Nice et ses environs d’une douce lumière hivernale et de filtres jaunis qui enrichissent encore plus ses beaux mouvements de caméra. C’est un esthète et ça se voit sans prétention ; il devrait néanmoins plus s’occuper de son contenu parfois, car ici la structure est vraiment trop bancale.