ESPECES MENACEES c'est d'abord la rencontre (tant attendue) d'une actrice et de son film. J'ai toujours aimé le jeu d'Alice Isaaz même si j'ai souvent formulé des doutes sur sa capacité à emmener totalement le spectateur. Elle a souvent été correcte, sans exceller. Dans ce film elle passe à un autre niveau.
Aussi bien physiquement que moralement torturée par son mari et empêchée par son aveuglement marital, elle campe un personnage au fond trivial qu'elle s'emploie à restituer de manière sensible et lumineuse. Je la vois encore préssée (par son mari, par son père ou par la caméra) dans un recoin du studio qu'elle habite, pleurant toutes les larmes de son corps lorsque son sauveur de père tente de l'assister. Reniant l'aide, implorant qu'elle s'en aille pour que les poings ne s'abattent pas ce soir plus longuement qu'à l'accoutumée.
ESPECES MENACEES c'est aussi une photographie somptueuse de Mark Lee Ping-Bing qui souligne la poésie du métier d'élagueur, perdu dans le ciel bleu de Nice et qui nous fait regretter de ne pas être ce(tte) marié(e) à bord de la décapotable. Elle nous fait aimer l'autoroute, ses travailleurs de la nuit et les lucioles qui les accompagnent.
Ce film c'est aussi le prolifique Alexandre Desplat (cinq musiques de film par an, des Polanski ou Audiard à THE SHAPE OF WATER) toujours au diapason des intentions du réalisateur.
C'est un Grégory Gadebois que l'on retrouve encore avec un immense plaisir, que ce soit en père impuissant dans ESPECES MENACEES ou en père handicapant dans MARVIN OU LA BELLE EDUCATION.
Pourquoi j'ai aimé ce film ? Pour toutes ces raisons non exhaustives qui font que, lorsque la lumière se rallume, on se lève, on pousse la lourde porte, on croise le regard tout aussi ému d'une spectatrice, et l'on rejoint, à regrets, le monde comme il est.