Le hasard a voulu que l'après-midi je voie Miséricorde au cinéma, et que le soir, je voie Et dieu... créa la femme de Vadim. Bien sûr, les deux films sont très différents, mais ils traitent de la même chose, le désir, cristallisé par une personne.
Brigitte Bardot y joue une jeune orpheline qui n'hésite pas à jouer de son charme pour son plaisir. Elle est d'abord montré face à Curd Jürgens, rêvant que celui-ci lui offre une voiture, archétype de la femme entretenue. Seulement plus le film avance et plus son personnage se développe. On voit notamment assez vite que si elle va avec les hommes, c'est parce qu'elle aime ça, tout simplement. En somme, elle a le même comportement qu'eux, mais ce qui est acceptable pour eux ne l'est pas pour elle, car elle n'est qu'une femme. En 1956, un postulat aussi féministe ne courait pas les rues!
Car ce qui échappe aux femmes, car elles sont jalouses ou engoncées dans leur bien-pensance, ce qui revient au même ainsi que le montre une scène à la librairie, et ce qui échappe pareillement aux hommes, focalisés sur le physique avantageux de Bardot, c'est à quel point elle est dans le film une belle personne également sur le plan moral. Seul le personnage de Jürgens, échappant par ailleurs totalement aux clichés du requin capitaliste, s'avisera soudain de l'intelligence de la jeune fille. Même son mari, qui l'idolâtre, Jean-Louis Trintignant, veut certes qu'elle soit heureuse, mais le film est ainsi fait qu'on se demande s'il l'aime réellement, ou s'il veut simplement prouver à la galerie qu'il est capable de rendre heureuse une telle femme.
Bref, on est forcément touché par le personnage de Brigitte Bardot, qui veut jouer le rôle qu'on lui a assigné, celui d'une bonne épouse, mais qui se retrouve en butte à ses propres désirs et surtout à ceux des autres. Ainsi, le film de Vadim s'avère à la fois moderne et féministe, et par ailleurs largement plus intelligent que la première scène (certes ludique), ne le laissait prévoir.