Après Ronit Elkabetz et sa description de la société patriarcale, de l’hommage aux femmes, teinté d’humour et de dialogues bien sentis, après Zaza Urushadze et son film Mandarines qui soulignait l’importance de la rencontre, celle qui désamorce le conflit par le simple langage et regard de l’autre, une belle découverte ici, de portraits de femmes par l’actrice-réalisatrice libanaise Nadine Labaki qui dès la scène inaugurale nous pose le féminin comme moteur du film. On a l’habitude de cette image parfois énervante de femmes soumises mais garantes de l’entente familiale et du repos du guerrier, mais la réalisatrice apporte une légèreté et une sensibilité sans tomber dans le féminisme déplacé et en évitant le mélodrame, optant pour la dérision et l’optimisme.
Un pays en proie au conflit religieux, rappelant la guerre civile du liban dans les années 70, un petit village isolé, où musulmans et chrétiens vivent ensemble, mais où la menace rôde. Quelques événements vont vite inquiéter ces femmes qui devront faire preuve d’ingéniosité et de ruse pour casser les révoltes à venir. Bien sûr rien de bien nouveau si ce n’est de transposer ici ce qui peut exister ailleurs. Et c’est bien par le biais de la comédie et de cette réalité que nous, occidentaux ne connaissons finalement bien peu, qui confère à ce film à la fois son exotisme et son universalité.
Contraints par leur isolement, c’est autant le risque de la promiscuité que la sauvegarde de l’extérieur que montre la réalisatrice.
Oscillant entre fable burlesque et tragédie, la réalisatrice s’entoure d’acteurs inconnus, tous justes, de scènes chantées, de grandes envolées hystériques et caractérise le tout entre fantasme et réalité. Jouant sur les contrastes, elle en profite pour dénoncer quelques clichés de notre vision occidentale, notamment avec la venue de filles de l’est, que ces femmes à court d’arguments, paieront pour distraire leurs hommes, et appuie le décalage entre modernité et tradition, ou encore ce rapport à l’information et ses dérives, avec la scène de la télévision, risque de mauvaise influence et néfaste pour la tranquillité.
Des dialogues savoureux, des scènes décalées, de la douceur et de l’humanisme, où pourtant le tragique fait son entrée pour ne pas oublier que la ligne est bien ténue.
Un bel hommage à la solidarité, au respect de l’autre, et à l’absurdité des conflits où le final boucle la boucle et rejoint la scène d'introduction avec cette chorégraphie tragique pour ces « pleureuses » chantant et se dirigeant vers le cimetière -coupé en deux-. Même si le propos est appuyé par instants notamment dans la caractérisation des hommes, reste que les tons lumineux, la musique de Khaled Mouzannar, le rythme sans défaut et l’optimisme qui ressort, procurent un agréable moment de cinéma pour une belle façon de rire de ses propres malheurs à défaut de changer le monde.