Il y a entre "Pour une Poignée de Dollars" et ce "... Et pour quelques dollars de plus" un saut qualitatif impressionnant, et même si l'on ne peut pas encore parler de "génie leonien", on trouve ici quasiment toutes les bases d'une œuvre qui va s'envoler vers la grandeur dès le film suivant, ce "Le Bon, la Brute et le Truand" chéri par une grande partie de la planète, cinéphile ou non.
A partir d'un scénario beaucoup plus classique en fait que celui de son film précédent, puisqu'on parle ici attaque de banque, conflits entre les bandits pour se répartir le butin et vengeance personnelle (ce dernier point préfigurant quant à lui le thème central de "Il était une fois dans l'Ouest", une montre musicale anticipant le célèbre harmonica de Bronson), Leone poursuit en fait sa déconstruction / reconstruction du western américain en le dépouillant de toute vérité du territoire (on filme en Espagne) et de la population (littéralement invisible : comme sur une scène de théâtre, toute la scène est libre pour que les protagonistes y déploient leurs machinations). Bien sûr, certains des nouveaux codes développés par Leone sont ceux du fameux "western spaghetti" auquel ces films seront naturellement associés, mais - même si c'est évidemment facile de le voir et de le dire après coup, avec le recul des années - il est clair qu'on dépasse et de loin, le tout-venant de ce genre finalement assez éphémère.
Ce qui manque encore ici, paradoxalement, c'est la gestion par la mise en scène du temps et de l'espace (qui deviendront dans le futur la matière première principale du cinéma leonien...), puisqu'on est encore largement dans une narration et un rythme "conventionnel", soit parce qu'il ne faut pas faire fuir le spectateur qui veut du spectacle, soit parce Leone n'a pas encore "trouvé". Par contre, Morricone est déjà dans l'excellence, et son travail musical souffre simplement de ne pas être encore totalement intégré dans la mise en scène comme ce sera le cas dès le film suivant. Et c'est capital dans le plaisir que l'on prend à regarder le film, le trio Eastwood - Van Cleef - Volontè est impeccable d'ambiguïté et de justesse à la fois, malgré les limites de la postsynchronisation qui déréalise toujours légèrement les dialogues.
Le plus beau compliment qu'on puisse faire à ce "... Et pour quelques dollars de plus", ce serait d'ailleurs de reconnaître que, même pris en dehors de la trajectoire de construction d'une œuvre aussi gigantesque que celle de Leone, il constitue une très belle réussite, un véritable plaisir.
[Critique écrite en 2020 à partir de notes prises en 1976, 1988 et 1999]