Et vogue le navire... par Maqroll
Un des derniers films de Fellini, réalisé après la mort de Nino Rota… Est-ce dans une tentative de compenser cette perte immense qu’il choisit alors l’univers de la musique (classique puis traditionnelle après l’arrivées des Serbes sur le bateau) ? Quoi qu’il en soit, Fellini donne là une œuvre immense, en cherchant une fois de plus à se rapprocher du concept de cinéma total. Le cinéma est d’ailleurs le premier sujet du film puisque l’introduction nous donne à voir un raccourci de son histoire, du noir et blanc sautillant jusqu’à la couleur panoramique… Puis c’est le microcosme du navire qui va constituer l’unité de lieu de ce film envoûtant… Une assemblée de personnes, des musiciens, des chanteurs lyriques, un archiduc également avec sa sœur aveugle et son premier ministre… le tout forme un ensemble à la fois hétéroclite et réuni par la grâce du maestro dans une composition baroque qui n’est pas sans rappeler par instants l’univers du Satiricon… C’est l’écroulement d’un monde que Fellini nous donne à voir, celui qui précède immédiatement la guerre de 14-18… C’est aussi évidemment par un effet métaphorique, l’exposition d’une certaine mort du cinéma, concurrencé par la télévision, qui se concrétisera par le naufrage du bateau. La dernière scène est bien dans la veine fellinienne, à la fois sublime et grotesque… E la nave va… et la vie continue… La mise en scène est bien sûr vertigineuse et la direction d’acteurs magique. Un très grand film d’un génie du cinéma au crépuscule de sa carrière mais au sommet de son art.