Un film sur le souvenir, l’imagination, la véracité d’un récit.
Été 85, c’est une histoire d’amour que se remémore Alex. On ne sait jamais quand il invente, quand les faits sont réels. Il idéalise sa rencontre avec David (il l’a peut-être sauvé des eaux, mais avait-il l’air d’un Dieu, droit et déterminé sur son Calypso ?) ; les scènes sensuelles sont ultrastylisées (par exemple quand ils se soignent après leur baston avec Chris en se regardant langoureusement, ou les corps filmés comme on filmerait des corps de femmes, en insistant sur les courbes : les fesses, le creux du dos… ). Toute leur histoire rappelle les plus grands clichés du cinéma, avec les corps parfaits, la fête foraine, la pomme d’amour et la barbapapa, Alex qui se blottit dans les bras de David cheveux au vent sur son bateau… Tout ça, c’est ce dont Alex a voulu se souvenir et ce qu’il a voulu raconter. Même la mère foldingue : était-elle vraiment comme ça, ou a-t-il exagéré pour ajouter un personnage haut en couleur à son « roman » ?
« Elle est très forte pour ne voir que ce qu’elle a envie de voir », dit David d’elle. C’est aussi le cas d’Alex.
Pourquoi réagit-il de façon si désespéré quand il voit le corps de David ? Car maintenant que David est mort, il ne peut plus l’imaginer. Il ne peut rien faire de ces lèvres blanches et de ses yeux fermés – c’est pour ça qu’il dit au début qu’il n’aime pas les cadavres : car ils sont la mort de l’imagination.
Le projet d’écriture que lui propose son prof lui plaît parce qu’il a trouvé un moyen d’inventer à nouveau David et sa relation avec lui. La réalité des événements est donc faussée deux fois, parce que c’est un récit d’un souvenir. On sait qu’Alex lit beaucoup et qu’il va au cinéma, il est en plus possiblement inspiré par toutes ces œuvres (d’où la succession de clichés).
Quant au fameux pacte secret : c’est Alex qui est obsédé par la Mort, pas David. On peut donc douter que David ait vraiment fait jurer à Alex d’aller danser sur sa tombe.
Un film donc très ambigu. Et on peut pousser la mise en abîme. Le réalisateur a complètement stylisé les années 80, avec les tous bandannas et les vestes en jean. D’où la conclusion perturbante que toute œuvre d’art, et même tout récit, toute parole, ne sont que des points de vue.
Bémol de ce film : la tension qui retombe comme un soufflet quand on comprend que le crime d’Alex est bien moins grave que ce qu’on nous fait penser au début.