On pense souvent, devant Eté 85, à l'exploration de l'adolescence, comme dans Jeune et Jolie, ou encore au magnétisme de Plein Soleil. Tandis que les promesses de la voix off atone du héros parlent de sang, d'un crime, de la mort.
C'est oublier sans doute que François Ozon se régale dans le faux semblant et à déjouer les attentes.
Mais au risque d'étirer, parfois, la structure de son ouvrage dans sa deuxième partie, différant certains éléments de son intrigue un peu plus que de raison.
Ce sera le principal reproche que l'on fera dans la narration de cet Eté 85, alors que la première partie, solaire, intense, dessinée sous le signe du souvenir enluminé et de la couleur parfois artificielle, emporte immédiatement l'adhésion.
Avec son duo touché par la grâce, tout d'abord, quand l'innocence et l'idéalisme d'Alex répond au charisme cynique et à l'aura exubérante de David, dont Ozon capture chaque parcelle de magnétisme et de charme. Sous sa caméra, l'attraction explose, l'attirance s'enflamme. Comme le premier amour que l'on connaît à seize ans. Et la volonté de partager chaque seconde, d'arrêter le temps dans une bulle, à l'image de ce walkman échangé qui permet littéralement de faire abstraction du monde, à réduire celui-ci au toi et moi.
Et c'est toute la fulgurance de la passion et des sentiments que François Ozon illustre et exalte, cette idéalisation de l'autre. Les illusions aussi, qui mènent à imaginer l'autre et non à le ressentir, à se montrer exclusif, à se tromper sur ce qui l'anime.
Deux années séparent Alex de David. Mais c'est en réalité bien plus que cela qui se met entre eux, qui fait exploser l'amour en un instant, jusqu'à la tragédie.
Et comme l'amour, c'est le remords et le chagrin qui deviennent exclusifs. Cette obsession projetée, cette culpabilité qui étreint et qui fait se poser la question d'une autre réaction qui aurait pu empêcher tout cela d'arriver.
Eté 85 signe encore une fois la fin de l'innocence d'un jeune homme pris dans la tempête de ses sentiments. Dans une peinture d'un autre temps pas si lointain. Celui où certaines mères aimantes, compréhensives mais démunies restaient encore à la maison pour seulement la tenir. Empruntant le visage d'une Isabelle Nanty sensible qui appelle immédiatement la sympathie. Celui où d'autres mères travaillaient par nécessité, tant en déployant des facultés d'aveuglement pour ne pas sombrer un peu plus encore. Empruntant les traits d'une Valeria Bruni-Tedeschi tout simplement humaine et fragile.
C'était aussi un temps où l'on ne parlait pas de certaines choses, ou alors à voix basse et en n'utilisant pas les mots qui ravivent la douleur. Où l'on ne faisait référence à l'oncle Jackie qu'avec des points de suspension et les yeux baissés et tristes. François Ozon épouse ce silence, après avoir mis en images ce qu'il recouvre entre ses deux personnages dans tout ce qu'il a de plus éphémère, intense, pulsionnel et interdit.
Et de plus tragique aussi. Car échapper à son histoire, c'est aussi mettre un peu de côté ces six semaines qu'Alex aurait voulu éternelles pour avancer. Malgré la peine et les souvenirs.
Behind_the_Mask, beaucoup moins que (500) jours ensemble.