Une performance. Voilà comment on peut résumer le nouveau film de Joanna Hogg. Performance de Tilda Swinton d’abord, qui joue deux rôles, une mère et sa fille, interagissant très régulièrement. L’actrice excelle dans cet exercice périlleux, mais qui cela étonnera ? Performance scénique ensuite, tant The Eternal Daughter forme un tout, tendu par une mise en scène pointilleuse et où le détail se cache au bord du regard, dans un reflet ou une ombre.

Tout concourt à l’atmosphère gothique et énigmatique du long-métrage : le château-hôtel filmé surtout de nuit, plein de jeux de lumière, de miroirs et de boiseries que l’obscurité rend menaçantes ; la relation étrange de la mère et de la fille que la réalisation prend soin de séparer en permanence ; le réalisme qui toujours menace de laisser sa place au surnaturel, à grand renfort d’arbres tordus, d’un pâle visage derrière une vitre ou d’une simple silhouette en contre-jour dont ne sait pas jusqu’au dernier moment si elle est palpable ou éthérée.

S’appuyant sur un sens du montage et de la construction visuel plein de maîtrise, Joanna Hogg s’amuse avec son public et veut, en quelque sorte, l’hypnotiser, le faire adhérer à sa peinture craquelée d’une femme hantée. Car le personnage de Tilda Swinton est effectivement poursuivi, mais par des choses bien trop humaines. Et la lecture qu’on pourra faire de cette non-aventure d’une écrivaine, confrontée et même habitée par son passé, est à laisser à chacun. Film de maison hantée sans fantôme (quoique ?), il faut s’y perdre pour l’apprécier, comme dans un labyrinthe végétal au milieu d’une nuit sans lune.

Thibault Scohier

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Surimpressions
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le 27 sept. 2023

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