Oh my darling Clementine | Dreadful sorry Clementine *
Joel dit juste "Ok". L'un des plus beaux que j'ai pu voir sur écran. Tout en retenue, avec quelques tics du visage symptomatiques chez Jim Carrey. Ces derniers mots, la façon de les dire, la sincérité folle dont ils font preuve, qui résument tout le film, sont merveilleux. Rires, larmes s'entremêlent. Juste pour un "Ok". La façon dont Joel arrive à prononcer ce simple mot est l'apothéose de ce qu'il a pu proposer dans le film et explique pourquoi il est, pour moi, l'un des meilleurs acteurs de ces 20 dernières années. Ses choix peuvent être douteux, mais il parvient toujours soit à sauver le film, soit à lui faire éviter le désastre absolu, étant parfois le seul intérêt de celui-ci ("Batman Forever"), soit à faire d'un objet correct quelque chose de bien meilleur. Qu'il soit dans l'exagération excentrique ou dans plus de retenue, il est purement dans son rôle d'acteur, plus que dans celui qu'il doit jouer d'ailleurs. Il joue Jim Carrey, fait en sorte que le personnage qu'il est supposé incarner s'incarne en Jim Carrey, le travail inverse de bien des acteurs. A l'écran, c'est Jim Carrey qui reste, et le personnage doit faire avec.
Je le préfère quand, comme ici, il n'est pas dans la surenchère d'excitation, mais qu'il a une certaine retenue, une certaine intimité. Il reste Jim Carrey à 100% mais un autre visage de celui-ci, l'alchimie Jim/Joel permet plus de variations que celle de Jim/The Mask. Mais même dans ces moments de retenue, on continue de voir l'acteur. Ses petits tics lors du fameux "Ok" ne trompent pas, ils sont surjoués, on reste dans l'exagération visuelle et faciale des émotions. Mais cette fois, c'est dans la sensibilité. La voix joue aussi beaucoup là-dedans, elle fait passer cette émotion en l'exagérant sans la dénaturer.
Gondry a bien compris que sans cette façon de jouer, son film serait au fond peut-être banal. Le dispositif est très vite mis en place, et se répète, répète, répète, ce qui pourrait largement ennuyer, comme cela est parfois le cas dans d'autres films du réalisateur. Mais ici, malgré nombre de bricolages, et une mise en scène appuyée (avec parfois un côté contemplatif, comme bien sûr ce moment arrêté sur le lac gelé ou ces balades en bord de mer, mais aussi les choix musicaux, les dialogues, les effets visuels multiples de fondu, disparition...), il parvient à s'effacer, à sortir de l'artifice pour laisser la place aux acteurs et à l'émotion qu'ils sont capables, seuls, de donner. Le dispositif répétitif s'efface pour laisser place à de pures émotions, qui sortent de ce gadget scénaristique pour s'emparer du spectateur et provoquer le rapprochement. Réel, rêve, on finit par n'y plus penser, on mélange les histoires d'amour sans s'en soucier, seule l'émotion reste, et ce tout le long d'un film qui, encore une fois, aurait pu être bien plus ennuyeux qu'il l'est.
Gondry arrive à faire tout ce que n'a pas su faire Nolan avec "Inception", laisser le dispositif scénaristique et didactique de côté pour laisser le spectateur libre et lui laisser l'occasion d'être embarqué par l'émotion et d'entrer dans l'histoire de Joel et Clementine.
* http://www.youtube.com/watch?v=lRI1heP1WJU