L'éclat de l'éternel retour.
La semaine dernière, c'était la saint Valentin. Loin des niaiseries des couples "cucul la praline" et des rebelles du dimanche, qui se découvrent une fois le 14 février venu, l'âme d'un militant anti-capitaliste et dénoncent l'aspect commerciale de cette fête, je passe ce jour tranquillement chez moi à me refaire eternal sunshine of the spotlless mind. D'ailleurs Joel Barish illustre très bien ce type de personnes: "La saint Valentin, c'est une fête inventée par les fabricants de cartes de voeux, pour faire flipper les gens." Bref, je rassure mon entourage sur ma santé mentale, si je regarde, de façon rituelle ce film une fois par an (si ce n'est plus), ce n'est pas parce que je déprime ou que je suis désespéré (bien au contraire). C'est juste que ce film est une oeuvre majeure selon moi, qui m'influence encore beaucoup dans ma façon de penser et de me représenter les choses et qu'il joue un rôle majeur dans l'idée que je me fais du cinéma.
Il y a deux manières de regarder eternal sunshine of the spotless mind. La première est de découvrir l'histoire d'amour que l'on voudrait peut-être tous vivre, c'est à dire vivre l'histoire à l'envers: commencer par la rupture et finir par la rencontre. Commencer en connaissant déjà tous les défauts de son (ou sa) chèr(e) et tendre (pour savoir à quoi s'attendre) et finir par la magie de la première fois et de la rencontre, de manière à ne se rappeler que des bons souvenirs. La deuxième approche est un peu plus profonde que cela. L'intrigue du film, repose sur un institut de psychologie clinique, nommé "lacuna", qui propose, aux gens qui souffrent beaucoup trop à cause de certains souvenirs, d'effacer ces souvenirs en question. Clementine, ainsi que de nombreuses autres personnes subissant une rupture difficile, décide d'effacer Joel de sa mémoire. Apprenant cela, Joel décide d'en faire autant. Seulement voilà, pendant l'opération, Joel regrette son geste et se bat pour garder ses souvenirs qui disparaissent progressivement.
Les gens qui me lisent et qui ont un peu de jugeote doivent déjà deviner où je veux en venir, la problématique du film est intéressante: Doit-on renoncer à avoir vécu des moments de joie, juste parce qu'ils s'accompagnent aussi de moments de souffrance? Evidemment non, les mauvais moments, qu'on le veuille ou non, constituent aussi irrémédiablement notre personnalité, et l'amour parfait n'existe pas. Il est donc absurde de renoncer à vivre des moments magiques sous prétexte que plus tard, on souffrira à cause de cela. Et qu'il vaut mieux être heureux d'avoir vécu ces bons moments. Les cinéphiles me diront que ce sujet a déjà été traité dans d'autres grands classiques du cinéma hollywoodien et italien. Oui, mais ces films ne vont pas aussi loin et ne sont pas réalisés comme celui là.
En effet, Ce bijou est réalisé par Michel Gondry, un génie de l'effet spécial bricolé, qui donne un résultat absolument unique sur la toile. Le fait de voir un Jim Carrey timide, peu sûr de lui et le voir pleurer dés la deuxième scène est surprenant pour quelqu'un qui n'a vu que the mask et Ace Ventura. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, cet homme est un très grand acteur et sa prestation est impeccable. La chute finale, avec les personnages principaux qui se retrouvent une nouvelle fois, pour revivre une nouvelle histoire sur l'autre, partiellement effacée, fait clairement référence à l'éternel retour de Nietzsche et ce n'est pas de la "surinterprétation", puisque le philosophe allemand est explicitement cité dans le film. L'étudiant en philosophie que je suis, ne peut que trouver cette idée géniale. C'est pourquoi je considère ce film comme un véritable chef d'oeuvre, qui allie beauté, émotion, humour (oui, on rie aussi dans ce film), reflexion et introspection. Le tout orchestré par un réalisateur de génie, qui enrobe le tout de ses idées originales et de son regard neuf sur le cinéma. A voir et à revoir, même pour ceux qui ne sont pas fans des histoires d'amour en général (ce qui est mon cas. Et oui, je suis un homme, je préfère boire de la bière en tapant du poing sur ma poitrine dans un concert de metal que de regarder les feux de l'amour).