"Dense" est probablement le qualificatif qui colle le mieux à ce film qui, après bientôt quinze ans, est parvenu à bénéficier d'une belle popularité parmi les amateurs de cinéma. Eternal Sunshine of the Spotless Mind est de ces films qui, sans aucun doute, nécessitent plusieurs visionnages pour tenter de le comprendre et d'appréhender au mieux toutes les thématiques qu'il aborde. Je vais tout de même tenter, après un premier visionnage, d'en extraire quelques éléments de réflexion pour parler d'un film qui ne laisse, pour sûr, pas indifférent.
Si Eternal Sunshine of the Spotless Mind s'avère complexe et bâti autour d'une intrigue à tiroirs, les personnages qu'ils développe et les sujets qu'il approche sont on ne peut plus banals. Banals ne veut cependant pas dire inintéressants, car cette banalité traduit une approche de sujets essentiels à même de parler à chaque spectateur qui se lance dans le visionnage du film de Michel Gondry. Eternal Sunshine of the Spotless Mind raconte une histoire d'amour, il confronte ses personnages à ses fluctuations, il parle de la conscience, des rêves, mais avant tout et surtout, il parle de fuite. Fuir l'amour, fuir le chagrin, fuir le destin, c'est sur cette ligne directrice et désordonnée que s'articule un film qui ne manque d'ailleurs pas de se permettre des folies dans sa construction et de proposer quelques passages visuellement étonnants pour appuyer son propos.
Ce sont donc les fuites simultanées de Joel (Jim Carrey) et de Clementine (Kate Winslet) qui provoquent cette rencontre fortuite, fruit du destin, un destin qui s'avère, au fil de l'intrigue, plus triste que ne le laisse augurer le début du film. L'une est lassée d'expériences décevantes, elle se cherche, tandis que l'autre est fatigué de son quotidien routinier et de vivre dans un environnement gris et morne. Ces deux personnages sont endigués par cet univers plein d'entraves, et c'est en se marginalisant vis-à-vis de ce dernier qu'ils parviennent enfin à se sentir vivants et à s'exprimer. Toutefois, malgré leurs points communs et leur capacité à se donner mutuellement l'envie de vivre pleinement, ils se heurtent à un mur et à la fatalité.
Le film joue beaucoup sur l'aspect irrationnel de notre conscience, qui nous est propre mais pourtant a toujours tendance à agir de manière aléatoire et intangible. Celle-ci, par exemple, pousse Joel à ne pas suffisamment exprimer ses sentiments et ses pensées, tout comme Clementine, et à gâcher leur relation faute d'avoir su communiquer, en la basant sur des non-dits dangereux qui ne font que refouler leurs sentiments et rendre leur relation toujours plus fragile. La découverte des cassettes est d'ailleurs une représentation de cet état de fait où chacun, pensant tout savoir de l'autre, découvre une vérité désagréable, mais qui aurait pu être toute autre avec plus de sincérité et en osant parler davantage. Cette sorte de mécanisme d'autodéfense de la conscience est central dans l'évocation de l'évolution de la relation entre Joel et Clementine, et fait partie d'une vaste machinerie folle et incompréhensible qui est celle de la conscience, et qui se manifeste pleinement lorsque l'on explore celle de Joel, où tout se construit et se déconstruit devant nos yeux.
Après tout, le cœur a ses raisons que la raison ignore. C'est donc l'évocation d'un désir de fuite face à un destin inéluctable, et l'influence de notre conscience sur nos actes, qui construit l'intrigue d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind et vient nous offrir ce film très dense, aux nombreux partis pris scénaristiques et visuels qui ne manqueront pas de mettre le spectateur en déroute. C'est un film à la fois optimiste et pessimiste, libre au spectateur de faire son opinion sur ce point. Il vient, avant tout, montrer que la fatalité et le destin, s'ils ne sont pas toujours heureux, font partie de notre quotidien, et que fuir plutôt qu'agir, ne sera jamais une solution viable. En somme, on peut se demander si un soleil brillant et éternel est-il bien chaleureux quand, parfois, certains nuages ne l'obstruent pas pour mieux en profiter ensuite ?