9h.
Je me suis réveillé dans un brouillard agréable. Tout semble flou alors que je parcours les rues d'une ville embuée, meurtrie par le froid. Mon souffle se cristallise sitôt mes lèvres quittées... Je me balade le long d'une rivière gelée, au milieu de passants sans visages.
Je regarde autour de moi, et je suis pris dans un tourbillon d'images...
Je revois un arc-en-ciel de couleurs de cheveux, un regard, je revois une marque laissée sur une étendue glacée au milieu de kilomètres de nulle part, des draps, des rires, des sourires... Je m'enfonce dans un océan de souvenirs qui s'effacent petit à petit. Je remonte le temps comme une rivière.
Autour de moi gravitent la haine, l'ennui, la fatigue, puis loin, plus loin, l'amour, le bonheur...
Ça se passe de mots.
C'est ce qu'il y a de bien avec les souvenirs, ils s'entassent, ils s'emmêlent, mais ils ne s'expliquent pas. Pas de logorhée verbeuse, d'analyses superflues, pas de besoin de les décrire ou de les diminuer avec des mots. On les retrouve, toujours comme on les a laissés, pas forcément comme ils se sont passés. On s'enveloppe dans la douceur de leur nimbe, perdus dans la nostalgie.
Parfois, on les oublie. Histoire de passer à autre chose.
Dispute, désillusion, les causes de la recherche de l'oubli ne manquent pas. Qui au fond d'une bouteille de whisky, qui en trifouillant les recoins de son cerveau... Je cherche et je trouve, je noie la tristesse dans l'effacement, qu'il ne reste plus que des ombres, des formes fugaces.
Le vide se fait dans mon esprit, des trous crèvent le ciel blanc qui me surplombe, ma mémoire disparaît. Les souvenirs s'envolent. Solution facile, ultime, à la déception et la trahison. Solution irréversible et inarrêtable, regrettée sitôt enclenchée.
Alors qu'ils s'évanouissent progressivement, je réécris cette histoire en un conte qui n'a jamais eu lieu, une histoire d'amour idéale, idyllique, onirique. J'embarque les dernières images d'elle dans un voyage au plus profond de moi, de mes rêves d'enfant, je recompose des instants perdus dans le temps. Je la rencontre à nouveau pour la première fois, conscient que ce sera la dernière...
Des restes de ce monde effacé, j'émerge les yeux grands ouverts. Je pose un regard perdu sur tout ce rien qui m'entoure. Je fuis d'instinct au bord de la mer, sans savoir pourquoi.
Puis le destin rapproche une femme...
Un regard, des rires, des sourires. Un flash.
Inoubliable.