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Rares sont les réalisateurs qui arrivent à me toucher autant qu'Alain Cavalier et d'autant plus qu'il filme ses journaux intimes avec sa petite caméra. D'ailleurs pour se film il est passé à la 4k, comme quoi il a beau approcher doucement des 90 ans il suit les nouvelles avancées en la matière.


Vraiment, s'il y a un seul cinéaste qui a compris l'utilité de ces petites caméras, c'est bien Cavalier. Il filme son quotidien, ses réflexions, tente des petites mises en scène avec ses objets, ses courges, ses christ en croix... Et là, on pourrait se dire qu'il a quasiment inventé le vlog en 1996 avec La Rencontre, même si c'est surtout avec le Filmeur en 2005 que son cinéma s'approchera véritablement de la forme qu'il prend aujourd'hui. Sauf qu'à la différence des millions de vlogs qui pullulent sur internet, Cavalier ne fait pas semblant d'avoir une journée remplie, il ne fait pas semblant qu'elle est palpitante pour faire jalouser les copines ou pour tout simplement donner une bonne image de lui-même. Il filme sa vie, il documente sa vie et je me dis qu'après sa mort, s'il a conservé toutes les rush ça fera un travail merveilleux que de regarder tout ça. Et ce film là devient un peu son Lost in la Mancha.


Il voulait faire un film avec Emmanuèle Bernheim et cette dernière est soudainement frappée d'un cancer... Et c'est l'autre grande différence avec les vlogs, c'est que Cavalier est d'une immense pudeur. Un pudeur plus que bienvenue étant donné le sujet assez moribond. Il n'est pas inquisiteur, il parle juste de son projet de film, de ses entretiens avec Emmanuèle qui va de plus en plus mal... Il filme parfois ce qu'il écrit (et clairement il est quasiment illisible) et je dois avouer que ça m'a profondément touché. Il filme les petites choses, il montre les petites choses, les choses invisibles qu'on ne voit jamais au cinéma...


Il se pose la question, à la fin du film, sur l'originalité au cinéma, si tout n'a pas déjà été fait et clairement ce film là, n'avait pas été fait et je pense qu'il a raison en disant qu'ils sont tous des primitifs. Son cinéma montre qu'il y a encore plein de façons de faire du cinéma à expérimenter. Bien que ça ressemble assez à Irène ou à Le paradis, ce film là est limite encore plus déchirant et encore plus troublant. Alors bien sûr, dans Irène, le voir évoquer son amour pour cette femme disparue c'est terrible... mais là, avoir des nouvelles de cette femme qui se meure pendant que Cavalier espère faire son film, c'est juste bouleversant.


Certains pourraient dire que c'est un film de vieux, où l'on voit un vieil homme qui voit ses amis mourir les uns à la suite des autres emportés par la maladie... mais moi, je le trouve avant tout universel, car les émotions Cavalier les transmets magnifiquement bien, et il faut dire que les thématiques sont extrêmement fortes.


Et le film est vraiment riche, que ça soit dans ce que ça dit de la vieillesse, de la mort, de l'acceptation de sa propre mort (Cavalier qui parle de faire une répétition générale pour sa mort me fend le cœur), mais aussi formellement, clairement ses expérimentations avec ses Christ et ses courges ça rend magnifiquement bien, il y a un beau certaine... Mais le plus étrange reste sans doute le fait de filmer le livre d'Emmanuèle où elle raconte le suicide assisté de son père paralysé, avec cette phrase absolument déchirante : « tout s'est bien passé », titre du livre d'Emmanuèle.


Alors évidemment, le film en déconcertera plus d'un, c'est lent, on filme littéralement du texte et des courges pendant une bonne partie du film... Mais clairement j'ai été transcendé. Un film terrible puisque le spectateur sait qu'il sera un jour du côté de Cavalier à voir des amis mourir et qu'il sera lui aussi un jour du côté d'Emmanuèle à mourir...


J'ai quand même l'impression que c'est un film, s'il devait être (ce que je n'espère pas) le dernier film de Cavalier, sent le film testamentaire. Un peu comme Resnais qui avait de mourir enchaînait les films sur la mort. Mais les mots que met Cavalier sur sa propre mortalité, difficile de ne pas être touché, de ne pas se sentir concerné.


Qu'est-ce-que j'aime ce genre de proposition de cinéma qui montre qu'avec trois fois rien on peut faire de grandes choses d'une grande puissance. Clairement un des meilleurs films de l'année et dans le haut du panier de ce qu'a pu faire Cavalier.

Moizi
9
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le 6 nov. 2019

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Moizi

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