A part la scène où l'un des carnets est filmé sans commentaire (du moins pour la première page), énormément de raisons m'amènent à rejeter ce film. Je vais essayer d'esquisser les contours de deux d'entre elles.
La première est celle du vlog bourgeois. Qu'est-ce qui différencie fondamentalement le journal vidéo de Alain Cavalier du journal vidéo d'un connard sur internet ? Rien. On pourrait parler de l'attention portée aux objets, du fait qu'on ne voit jamais Cavalier, de la thématique morbide qui n'est pas celle qu'on retrouve dans la plupart des vlogs... Mais à l'arrivée ? Quelle différence ? Aucune : c'est du spectacle. Cavalier ne montre pas, Cavalier se met en scène. Il se met en scène car il parle. Si dans les vlogs on parle face caméra, lui parle hors-champ, mais l'opération reste la même, même inversée, même travestie : le sujet de Cavalier, c'est lui-même et son rapport au deuil. Or je trouve qu'il serait indécent, sous prétexte qu'il est question de Cavalier et d'un habillage "auteurisant", de traiter différemment la nature profonde de son produit. En fait je me fous de ta vie Alain. Pourquoi est-ce que tu m'imposes tes délires ? Pourquoi devrais-je subir tes pseudo-réflexions sans recul où tu oscilles entre une sincérité voyeuriste et un égocentrisme malhonnête ? Pour aucune raison à dire vrai. Puisque ce que tu proposes n'est pas du cinéma à mes yeux, je ne vois aucune raison de ne pas appliquer une couche de lecture morale à ton "oeuvre".
La deuxième raison serait peut-être ce plan presque-final, où tu dis "il me suffit d'allumer l'écran pour lui dire bonjour". Sans mobiliser, cette fois-ci, d'arguments moraux comme quoi il serait "dérangeant" de mettre les morts en scène de cette manière, je t'opposerais la putasserie. Oui, ce plan est putassier, racoleur, dégoulinant de m'as-tu-vu. Cette scène achève de prouver que ce qui t'intéresse, c'est toi et rien que toi. Mais peut-être que ce qui est encore plus immonde dans ce que tu me vomis à la gueule, c'est le choix de ta musique, qui force mon empathie, m'oblige à m'agenouiller devant ton prétendu génie, devant ta puissance captatrice de réel. Et bien non, ce sera sans moi.