Deux ans que j'avais le poster de ce film sur mon mur. Je ne l'avais jamais vu car le poster me fut donné par une dame auprès de qui j'avais acheté une autre affiche et m'ayant pris en sympathie, elle donna également celle-ci. Grand admirateur de la beauté de Penelope Cruz, je l'avais suspendu pour le plaisir des yeux. Fin' bref, la petite histoire dans la grande, c'est le préjugé que l'on a sur un film peut être totalement faux. J'aime plutôt bien le seul film d'Almodovar que j'avais vu auparavant (Volver) et donc je me disais qu'il était possible de placarder sur son mur une affiche d'Étreintes brisées et répandre le bon goût puisque les films d'Almodovar ont bonnes réputations, avis général que j'ai pu confirmer avec Volver.
Et jusque là, mon affiche, mon mur et moi, on faisait notre petit bonhomme de chemin, sans se douter qu'il y avait un traitre parmi nous. Vint le jour où une lituanienne me dit avec son pragmatisme, typique des pays de l'est.
« Maybe It's lame »
Je rétorquais alors, tout à fait sur de moi et de mes goûts « Probably not, Almodovar is a really famous Spanish director, even the most famous! ».
Pour ne pas rester sur deux hypothèses non vérifiées à savoir.
1) Le film est bon car il est d'Almodovar
2) Le film est mauvais même s'il est d'Almodovar.
Nous regardons le film.
Et j'ai dû rapidement admettre ma défaite.
Dès le début, ça sent le sapin. La scène où le gosse, appelons-le Pablo, fait une overdose de GHB n'est pas crédible du tout. Genre, il mixe dans la boite de nuit la plus flinguée du monde (avec une ambiance digne des meilleurs bars pour bobo' de Saint-Germain des Près avec ses pintes à 8 euros et ses musiques des années 70 que tout le monde connait par coeur) et il n'entend même pas son pote lui hurler qu'il y a de la drogue dans son verre. En plus, le GHB personne ne se drogue soi-même avec ce truc, c'est fait pour rendre les gens - les dames très souvent en plus - comateux et profiter d'eux. D'ailleurs, j'ai jamais vraiment compris qui était ce gars là. En fait, l'intrigue on s'en branle un peu dans ce film parce que les protagonistes sont la pour dérouler le scénario et pas pour être des personnages. Ce qui est problématique dans un film.
Par exemple, l'écrivain aveugle, on ne sait même pas qui sont ses écrivains fétiches, ses maîtres, enfin, je veux dire si tu veux faire un personnage d'écrivain, il faut que le gars parle un peu littérature. C'est comme si on te disait que le gars est charpentier, mais tu le vois jamais planter un clou de tout le film. Surtout quand c'est le propos du machin, la dualité entre le mec aveugle sans sa femme (Penelope) et voyant avec elle, en miroir, avec lui en littérateur voyant et son alter-ego atteint de cécité. On aurait aimé au moins un petit moment de cuistrerie comme dans les films de Desplechins, en mode, on cite du Nietzsche, tout ça, on est des gens raffinés, de lettres vois-tu.
Et puis, c'est pas très bien foutu, le type avec sa caméra qui poursuit Pénélope partout, il devrait être angoissant, sauf qu'on s'en fiche totalement de ce qu'il filme. Il n'est pas humanisé, c'est un trépied biologique qui capture l'image d'une superbe femme parce qu'elle l'obsède. On se sent extérieur à tout ça lorsqu'on regarde le film. Surtout quand dans le dénouement final il débarque, avec sa caméra scotchée sur le siège passager, où il film l'accident dont on sait qu'il va se produire, ça me fait bien marrer parce que ça tombe comme une merde sur une planche. Genre, le type à la determination de suivre le couple dans un des endroits de tourisme les plus méconnus d'Espagne (Lanzarotte, c'est bon pour Houellebecq qui cherche à rencontrer des libertines allemandes) juste pour filmer Penelope et l'écrivain. On nous prend pour des jambons. Clairement.
Faut le dire, ce film, c'est juste une intrigue, pas de personnage, pas de naturalisme - les scènes de sexe où ils baisent sur la moquette au milieu des miettes et des cheveux morts, ça existe pas ça dans la vraie vie - techniquement, c'est pas folichon, même si y'a deux-trois bonnes idées par-ci, par là. Penelope qui va vomir, Almodovar aime bien désacraliser la beauté de ses actrices; c'est une idée sympa, je trouve.
Ça ne sauve pas le tout pour autant puisqu'on se fiche de ces personnages, on ne sait quasi rien d'eux. Y'a la même différence entre ce film et un autre drame familial - Une Affaire de Famille de Kore-Eda - qu'entre une soupe Phô dans un restau' chinois et la soupe lyophilisée à 50 centimes avec la poudre et les pâtes en carton. Un vague goût de naturalisme, qui malgré les exhausteurs, n'a aucune saveur.
Bref, la conclusion de toute cette histoire, la lituanienne est repartie chez elle à Vilnius avec l'affiche, dire à ses amis que ce film est formidable en l'accrochant dans son salon et observer l'hypocrisie de ceux qui aiment des grands noms et non pas des grands films. Et ça, c'est plutôt drôle car ça arrivera.
Merci à Greta de m'avoir fait sortir de l'erreur! Comme on dit chez toi : šaukštelis!