Soy Eva
Véritable monument d'originalité, Eva ne dort pas surprend son spectateur de bien des manières. Peut-être pour le déplaisir de certains. Mais après tout, le génie est souvent incompris. Par quoi...
le 24 mars 2016
11 j'aime
1
Une femme devenue icône, un pays en perpétuelle révolution, l’image d’un corps qui disparaît dans l’histoire d’une nation, voilà de quoi nous parle le dernier film de Pablo Aguero. Ce n’est pas un biopic que nous propose le réalisateur mais bien un film dramatique qui suit l’histoire du corps de la femme qui fût et restera surement la plus célèbre d’Argentine : Eva Perón.
Morte à l’âge de 33 ans, Eva Perón sera tout d’abord embaumée. Puis, dans un contexte de révolution et de guerre civile son corps sera volé par les militaires au pouvoir. Nul ne sait alors ce qu’il en adviendra jusqu’en 1974 où celui-ci sera ramené au pays pour être définitivement enterré par l’amiral Emilio Eduardo Massera. Entre images d’archives et créations du cinéaste, le film se présente comme une succession de scènes elliptiques, évoquant des brides du passé, des morceaux fragmentés de l’histoire d’une nation. Cette succession de scènes est renforcée par une musique rock’n’roll qui dynamise le tout. Cependant, ce que nous pourrions reprocher au réalisateur, c’est de perdre son spectateur dans cet entrelacs scénique. En l’emmenant de-ci de-là, sans raisons apparentes, sans justifications des passages sélectionnés, il décrédibilise malheureusement certaines scènes. Néanmoins notre cinéaste se rattrape en nous livrant de beaux plans, audacieux et travaillés, comme le premier dans lequel on ne peut s’empêcher de sentir l’influence d’Orange Mécanique.
Toucher au corps d’Eva Perón, ce n’était pas seulement parler de la femme, c’était aussi toucher au symbole, à la chair même du populisme, du péronisme. Le film nous montre ainsi un pays déchiré entre un peuple qui aspire à plus de liberté et des dictatures répressives. C’est donc le corps social tout entier qui souffre au travers du corps d’Evita, bafoué, malmené. Sans jamais être directement présente, Evita se trouve pourtant toujours là, évoquée par un chignon, une photographie, un cercueil… Son corps accapare symboliquement l’espace, va jusqu’à prendre la supériorité sur les vivants en étant la cause même de leurs faits et gestes.
Toujours intimement liée au pouvoir dictatorial, la religion est corrompue ; la religion est violente. La religion s’associe au pouvoir comme pour mieux lutter contre le mythe naissant d’une nouvelle icône. « Dieu est juste » déclarait l’armée avant de bombarder son propre peuple. Ces paroles hantent le film, lui donnent toute sa symbolique, toute sa profondeur. La mort plane toujours, prend le dessus sur la vie. Malgré une lutte incessante entre les deux, on ne tue pas l’image d’une idée et le péronisme vit et se construit sur l’image de cette femme : Eva Perón.
Pablo Aguero par son film nous invite donc à vivre une expérience, il cherche à éveiller la sensibilité du spectateur, à réveiller un passé qui s’enfouit progressivement pour ne pas oublier l’histoire d’une nation, l’histoire d’une femme, l’histoire d’un symbole.
Créée
le 9 juil. 2018
Critique lue 230 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Eva ne dort pas
Véritable monument d'originalité, Eva ne dort pas surprend son spectateur de bien des manières. Peut-être pour le déplaisir de certains. Mais après tout, le génie est souvent incompris. Par quoi...
le 24 mars 2016
11 j'aime
1
Il faut le reconnaitre le film est beau, si ce n'est superbe, et il y a vraiment un gros travail au niveau de l'image et du son sur chaque plan, chaque scène, au regard du faible budget à leur...
Par
le 23 mars 2016
8 j'aime
Eva ne dort pas est un film extraordinaire, dans le sens où il ne répond à aucune mode, à aucun air du temps. C'est du cinéma contemporain, qui se pose des questions de cinéma fortes, puissantes,...
le 18 avr. 2016
7 j'aime
1
Du même critique
« Nous ne sommes pas encore libres, nous avons seulement atteint la liberté d'être libres. » C’est par cette citation de Nelson Mandela que pourrait commencer le nouveau film de Kathryn Bigelow. En...
Par
le 9 juil. 2018
1 j'aime
Après Léviathan, Andreï Zviangintsev signe un nouveau drame remarquable qui oscille perpétuellement entre poésie et horreur. Aliocha, un enfant au manteau rouge sort d’une école, la caméra le...
Par
le 8 juil. 2018
1 j'aime
1
C’est par un écran d’iPhone filmant et commentant l’agonie d’un hamster que s’ouvre le dernier film de Michael Haneke. Direct, brutal et sans concession, il n’est pas sans rappeler l’ouverture d’un...
Par
le 9 juil. 2018
1 j'aime