14 années se sont écoulées depuis la sortie du premier Rebuild. Et il aura fallu 9 ans depuis la sortie du troisième film pour qu'Hideaki Anno surmonte ses démons et nous fasse enfin profiter de la conclusion de cette saga. Ce long hiatus, avec les spéculations, les craintes, les questions, les attentes qui l'accompagnent, font autant partie de l'expérience et sont ce qui la rend si particulière.


Vu ce que représente Evangelion pour moi, je me suis dit que l'occasion était bonne pour rédiger une de mes rares critiques et coucher sur papier... ou disons plutôt dans les bases de données de SC ... mes impressions.


Difficile d'attribuer une note, surtout si peu de temps après la sortie, mais cela n'a pas tellement d'importance. Du coup n'y prêtez pas attention.


Pour rétablir un peu le contexte, Anno, peu satisfait, de la conclusion d'Evangelion 2.0, a pris une direction radicalement opposée dans sa suite, 3.0. Ce troisième film n'a pour ainsi dire rien à voir avec ce qui était présenté dans la bande-annonce de fin du deuxième et laisse la nette impression d'un Hideaki Anno erratique aux commandes, introduisant subitement une floppée d'éléments scénaristiques nouveaux. En dépit des efforts fournis pour maintenir un semblant de cohérence, ce 180° a du mal à tenir la route. Cela ne présageait rien de bon pour la fin à venir d'autant plus au vu des atermoiements du créateur de la série. Enfin, les dix premières minutes du film, diffusées à la Japan Expo 2019, offraient un spectacle assez peu réjouissant avec un combat 3D assez moche. Autant dire que c'était vraiment, mais vraiment mal barré.


Est-ce que Anno pouvait encore retomber sur ses pattes avec Evangelion: 3.0 + 1.0 Thrice Upon a Time ?


Je garde les gros spoils sous balise, mais vu que je dois bien parler du film, des légers spoils sont à prévoir.


Passé le prélude parisien, le film sur son premier tier se déroule sous un format tranche de vie qui avait cruellement manqué dans 3.0. Le récit prend de nouveau le temps de montrer les interactions entre personnages, leurs émotions, notamment pour les cheminements introspectifs de Rei et Shinji. La réalisation gâte de plans impeccables, de décors fournis et de petites prouesses techniques comme ce jeu de caméra lorsque Asuka gave Shinji de rations alimentaires. Réal' d'otaku oblige, le spectateur est gratifié de quelques plans cul nu. Cela peut agacer certains, mais s'agissant d'Evangelion je ne me formalise pas.


Anno ramène sur le devant de la scène quelques personnages oubliés du précédent film, plaisir qu'on ne boude pas. D'autres par contre, manquent toujours à l'appel et sont expédiés en quelques lignes de dialogue. Petite déception mais c'est toujours mieux que les laisser sombrer dans l'oubli.


Je fais référence ici à Kaji Ryoji, dont on apprend qu'il s'est sacrifié pour arrêter le Third Impact. Durant la même séquence, Shinji rencontre le fils issu de l'union entre Kaji et Misato. Malheureusement, Kaji junior n'apparait que lors de cette scène, une dizaine de secondes en tout et pour tout.


Cette petite retraite campagnarde savourée, il est pourtant temps d'y mettre un terme. Shinji retrousse ses manches, quitte son lopin de terre pour rejoindre Misato et faire la bagarre. Voir Shinji prendre des initiatives au lieu de subir les évènements fait plaisir à voir.


Suite à de l'intrigue et encore quelques plan fesses, la partie action s'ouvre sur une séquence assez étrange durant laquelle le vaisseau commandé par Misato, éperonne le bâtiment adverse sur fond de musique funk semblant tout droit sortie d'une série des années 70. Une référence à la série Yamato ? L'hommage est sympathique mais le résultat fait tâche.


Puisqu'on parle de musique, j'ai assez peu de commentaires sur la bande-son car celle-ci est assez discrète. Il y a bien quelques thèmes d'accompagnement, et des reprises de mélodies mythiques de la série mais dans des proportions assez marginales. Même 3.0 a eu droit à ses thèmes mémorables via les reprises de la série Nadia.


Concernant la partie combats, rien de transcendant. Chorégraphies râtées, effets de lumières sapin de Noël, de la 3D moche, pauvreté du décor (comme nous sommes dans les restes de l'Antarctique, c'est un simple fond rouge)... Il est loin le temps où l'on voyait l'EVA 02 écrabouiller des hélicoptères au milieu du GeoFront. Là au moins, on comprenait ce qu'il se passait, et on ressentait le gigantisme du combat.


Pour en rajouter une couche, cette séquence pilonne des dialogues infestés de vocabulaire mystico-scientifique, ce qui n'arrange pas la confusion. Rien de nouveau certes, puisque la série originale, et surtout le manga étaient déjà coutumiers du fait. Mais les dialoguistes ont quand même eu la main lourde.


Le soulagement se fait sentir dès l'entrée de la phase finale du film. Cet ultime acte, nous rappelle ce que nous étions venu chercher et nous livre une conclusion dans le pur style Evangelion. Dialogues, flash-back, monologues introspectifs... Anno nous livre une conclusion qui sauve l'honneur et nous fait oublier la soupe imbuvable de la précédente demi-heure. Cette partie a un peu les airs d'une redite. Ce n'est jamais que la troisième fois qu'Hideaki Anno tente de conclure Evangelion !


Mais sur le fond, elle propose quelque chose de plus complet en répondant beaucoup plus volontiers aux questions. Certaines réponses, sont sans doute alambiquées.


le délire des lances et de la lune noire, oskour


D'autres, sans révolutionner le folklore d'Evangelion, l'enrichissent un peu plus.


Gendô qui se livre auprès de Shinji. L'échange ne bouleverse pas la vision du personnage dans les grandes lignes. Mais cette discussion nuance un peu plus sa psychologie et ce sont ces nuances qui rendent les protagonistes d'Evangelion si intéressants.
C'est d'ailleurs avec une réplique tirée de cette scène que j'ai choisi le titre de cette critique. Ce moment où Gendô exprime ses regrets auprès de son fils, plus poignante que son équivalent dans The End of Evangelion.


D'autres encore, sont des éclairs de génie qui feront tomber de leur chaise ceux connaissant bien Eva.


Il s'avère que Mari connait assez bien Fuyutsuki ainsi que Yui. Et pour cause, puisqu'elle les a fréquentés à l'université. Si cela ne vous évoque rien, relisez le dernier chapitre du manga.


Sur la forme, cela reste en deça de ce qui était proposé dans The End of Evangelion. En même temps, comment réussir à reproduire quelque chose d'aussi brillant ? 3.0+1.0 compense un peu l'écart en évitant de singer son prédécesseur et y apportant un peu de neuf. C'est toujours ça.


La fin reste encore sujette à bien des interprétations. L'essentiel est qu'elle permet de quitter tous ces personnages sans regrets et sur une note positive. Le créateur d'Evangelion étant identifié comme un dépressif notoire, ce n'était pas gagné.


Sans regrets oui. Qu'on se le dise, le film apporte son lot de défauts. Mais au vu du contexte décrit plus haut dans cette critique, on pouvait vraiment s'attendre à un immondice indicible. Le film est inégal. Parfois brillant, parfois aux fraises. Mais il fait son boulot. Il y aurait encore tant de choses à dire, mais il faut s'avoir s'arrêter. D'autant que la digestion commence à peine et d'autres visionnages suivront. L'essentiel est dit.


J'imagine que vous aussi l'avez déjà ressenti. Cette satisfaction de l'achèvement qui, à la fin d'une oeuvre, nous rend à la fois légers et vides, à la fois un peu tristes mais heureux malgré tout. C'est en tout cas mon sentiment après visionnage de cette fin tant attendue.


Dans l'ensemble, malgré les frustrations, le film était sympa. La saga Rebuild était cool. Et puis n'oublions pas que chaque film estampillé Eva est l'oeuvre d'un réalisateur qui s'est donné à fond pour le faire naitre. Jusqu'à finir au bord du gouffre après Evangelion 3.0. Face à un artiste qui a tant donné de lui même, je ne peux qu'être admiratif.


Merci à Hideaki Anno et son staff d'avoir créé cette série qui m'a profondément touché.

Djex
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le 14 août 2021

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Djex

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Kmeuh
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