"Donne-moi la main et si tu t'y prends bien,je t'emmène avec moi sur l'Himalaya,tu verras le ciel a comme un goût de miel,je te dirai pourquoi sur l'Himalaya".Ah la la,il était gentil C. Jérôme,mais il n'a jamais dû foutre les pieds en haute montagne pour raconter des conneries pareilles.En réalité ça rigole moyen là-haut et quand on voit "Everest" ça ne donne pas envie de tenter le coup.Donc,dans les années 90,les ascensions devenaient à la mode,notamment celle de l'Everest,le toit du Monde,et des tapées d'alpinistes affluaient de partout au Népal afin d'inscrire ce sommet mythique à leur palmarès.C'est pourquoi des guides expérimentés montaient des sociétés proposant moyennant quelques milliers de dollars des ascensions clés en main comprenant l'hébergement,l'alimentation,l'entraînement et l'encadrement.En mai 96 le néo-zélandais Rob Hall et l'américain Scott Fischer,figures emblématiques de la profession et patrons des firmes Adventure Consultants et Mountain Madness,lancent leurs groupes à l'assaut de cette petite colline qu'ils ont gravie bien des fois.Presque la routine en somme,mais une tempête inattendue va s'inviter à la fête et l'expédition va tourner à la catastrophe.Morts,blessés,amputations,la griserie de l'exploit fera place à la désolation la plus totale.Cette coprod américano-britanno-islandaise comprend entre autres Universal côté USA et la Working Title côté british.La réalisation a été confiée à l'islandais Baltasar Kormakur,un acteur devenu cinéaste,tandis que le scénario,inspiré du livre d'un rescapé de l'aventure,l'américain Beck Weathers,est l'oeuvre de Simon Beaufoy,l'auteur de "The Full Monty","Slumdog Millionaire" ou "127 heures",et William Nicholson,à qui l'on doit "Nell" ou "Gladiator".C'est de la belle ouvrage,Kormakur livrant une réalisation nette et précise,sans fioritures,s'appuyant sur des effets spéciaux efficaces et des décors naturels majestueux dénichés au Népal et en Italie.La narration est tout aussi cadrée et va directement au coeur du sujet.Ainsi la première partie nous présente les principaux personnages,qui inspirent une immédiate sympathie.On peut certes estimer qu'il faut être très atteint pour aller risquer sa vie dans des montagnes glaciales et à des altitudes où l'oxygène est en option,mais on comprend vite que ces gens sont plus à la recherche d'eux-mêmes que d'un exploit valorisant.Oublier son quotidien,se prouver qu'on peut le faire,aller chercher ses limites extrêmes,communier avec la Nature la plus ingrate et savoir qu'on risque de ne pas revenir,c'est sûr qu'on n'est pas chez les petites bites de Koh-Lanta.Sortent du lot Rob Hall,le professionnel raisonnable et placide,le type sérieux dont la femme attend un enfant qu'il ne connaîtra jamais,son pote et concurrent Scott Fischer,star de l'alpinisme en bout de course,une sorte de surfer californien égaré en montagne qui,fatigué et plus ou moins alcoolo,ignore ou veut ignorer qu'il se prépare à sa dernière course.Il y a aussi Beck Weathers,un texan à grande gueule qui sera le miraculé de l'étape,mais à quel prix,le prolo anglais Doug Hansen,le maillon faible du groupe qui a déjà échoué deux fois dans l'Everest et sait que c'est sa dernière chance d'y arriver,le journaliste Jon Krakauer qui en profite pour effectuer un reportage en situation,la japonaise Yasuko Namba,qui a réussi six des Sept Sommets et à qui il ne manque plus que celui-là,ou encore le russe Anatoli Boukreev,l'adjoint de Fischer,un mec phénoménal qui grimpe au sommet sans bouteilles d'oxygène.Les motivations et les expériences sont différentes mais tous sont tendus vers le même but:arriver en haut pour se sentir vivants,quitte à en mourir.Le récit est clair,les protagonistes bien définis,c'est filmé sans esbroufe et sans sombrer dans le mélo lacrymal en dépit de la tragédie en cours,c'est aussi spectaculaire et il y a du suspense.Evidemment certaines libertés ont été prises avec la réalité des faits,c'est toujours le cas avec les adaptations cinématographiques,mais l'essentiel de l'histoire est préservé,d'autant que les versions divergent parfois,Krakauer et Boukreev par exemple ont produit des relations un peu divergentes des évènements.Le casting est d'une solidité impeccable,à l'exception notoire du personnage principal,Rob Hall,incarné par un Jason Clarke complètement transparent,ce qui tranche avec le méga charisme de Jake Gyllenhaal qui explose l'écran dans le rôle de Fischer alors qu'on le voit très peu.Superbes performances de Josh Brolin en redneck gueulard,de John Hawkes en facteur faiblard mais déterminé,de Sam Worthington en adjoint dévoué de Hall,de Michael Kelly en journaliste avisé,de Naoko Mori en alpiniste discrète mais douée et d'Ingvar E. Sigurosson,magnétique en force de la Nature héroïque.Les encadrants du camp de base sont également excellents,qu'il s'agisse d'Emily Watson,Elizabeth Debicki,Thomas M. Wright ou Martin Henderson.Concernant les épouses inquiètes restées à la maison,si Keira Knightley est impeccable,Robin Wright est en revanche nulle.Note et critique de film de Baltasar Kormakur publiée précédemment:"A la dérive"-5.Moyenne:6.