L’Everest, le sommet du monde…le « Sommet des dieux » est lui aussi victime depuis de nombreuses années de l’expansion et de la démocratisation de l’alpinisme outrancier. Enfin, démocratisation semble être un grand mot puisqu’en 1996, date de « la tragédie de l’Everest », il vous en coutait pas moins de 65.000 dollars pour pouvoir vous pavaner sur le toit du monde, y faire votre petit selfie et enfin clamser avant même de rentrer vous faire une fondue au fromage. La belle vie.
Dans l’œuvre filmique de Baltasar Kormákur, deux expéditions touristiques sont ainsi mises sur pied pour fouler les cimes du monde et crier à qui veut l’entendre : « je l’ai fait ! », sauf que…sauf que ce film n’aurait pas lieu d’être sans drame, sans que le rêve d’une vie ne devienne celui d’une âpre survie contre les éléments.
Dès lors, les choses deviennent intéressantes pour le spectateur venu se repaître de sensations fortes.
Et pourtant ! Everest n’est pas un film spectaculaire au sens hollywoodien du terme, les clichés sont démontés les uns après les autres (exception faite d’un sentimentalisme parfois exacerbé) et l’approche quasi-documentaire de Kormákur laisse pantois. D’accord, les images sont impressionnantes et le personnage principal du long métrage, la montagne, est majestueuse à l’écran, mais la mise en scène met avant tout un véritable point d’honneur à rendre hommage à ces zinzins de l’altitude et à leurs guides qui ont bien du mal à garder tout le monde sous contrôle ; entre rivalité masculine primaire et entêtement jusqu’à l’inconscience, il faut dire que Rob Hall (Jason Clarke) et sa bande ont eu de quoi s’occuper en grimpant les quelques 8848 mètres népalais. Quand certains se contenteraient d’entonner des chants scouts, nos personnages préfèrent jouer à qui a la plus grosse, chacun son truc.
Mais pourquoi ? Pourquoi s’aventurer là où le corps se meurt à petit feu ? Le film pose la question, laissant place à un silence embarrassé puis apporte quelques réponses convaincantes, aussi convaincantes que ce casting de très bonne facture, emmené par un attachant Jason Clarke, ayant eu la lourde tâche de remplacer Christian Bale au pied levé.
Cependant, même si chacun a son petit mot à dire, ses petites répliques bien senties et détachées du genre « je suis un bonhomme, l’Everest me fait pas peur et je gère même par -1000°C » (ou pas), on regrettera tout de même que seuls deux des protagonistes, maximum trois si on se veut indulgent, se détachent du lot et ont droit à un développement digne de ce nom.
Les autres ne sont que des personnages fonctionnels. Mention spéciale aux femmes qui, exceptée l’alpiniste japonaise, sont toutes reléguées au rang de chouineuses de premier ordre.
D’accord, raconter pareille histoire sur 2h demande des sacrifices mais l’équilibre dramaturgique n’est ici pas toujours optimal et l’émotion s’arrêtera aux frissons pour le spectateur aguerri, nourri aux films dramatiques.
Bel hommage aux victimes de ces expéditions, Everest offre un regard relativement objectif sur ces accros à l’adrénaline qui, une fois leur rêve à portée de main, perdent toute notion des limites de notre espèce.
La nature, elle, règne en maîtresse et quiconque ose la défier sans en respecter la démesure s’en mordra les doigts ou…ce qu’il en reste.
Les seuls bémols de cette aventure resteront l’absence d’épaisseur de la plupart des personnages, nous empêchant d’être réellement ému pour eux (certains trépassant même de manière risible), la bande son on ne peut plus générique et enfin le manque de plans vraiment forts, dignes des plus grands cinéastes.
Everest fait néanmoins le job et transpire le respect pour ces gens qui n’avaient pas froid aux yeux mais dont le périple nous glace le sang, nous laissant ressortir de la salle groggy, le stalactite au nez, à la fois fascinés et abattus par ce spectacle impitoyable. En cela, Baltasar Kormákur surprend et reste certainement un réalisateur à suivre de près.
Note : 7,5/10
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