2010 semble avoir marqué un tournant pour Pixar puisqu'après la sortie de Toy Story 3, plus aucun grand film n'est sorti du chapeau de ces magiciens de l'animation, comme si l'ampoule de la lampe bondissante, mascotte du studio, s'éteignait petit à petit. Il faut dire que Cars 2 reste à ce jour la pire suite made in Pixar et que Rebelle et Monstres Academy sont sympathiques mais pas inoubliables.
C'est alors que revint Pete Docter sur le devant de la scène, l'homme derrière Monstres et Cie et Là-Haut, excusez du peu.
Le gaillard qui avait déjà exploré l'enfance et les vertus (mais aussi les désillusions) de l'innocence de fort belle manière dans ses deux réalisations, décide cette fois d'y aller sans aucune concession: « et si nous explorions l'esprit d'une gamine en perte de repères? ».
L'idée est lancée, le concept est d'une richesse inégalable au vu de la complexité de l'esprit humain mais Docter décide rapidement de canaliser ce projet casse-gueule en se focalisant sur les émotions, et plus précisément 5 d'entre elles: la joie, la tristesse, la colère, le dégoût et la peur qui se matérialiseront en autant de personnages hauts en couleurs à l'écran.
Riley, le personnage principal de Vice-Versa, est donc une petite fille à qui tout sourit: elle est adorée de ses parents, aimée de ses ami(e)s et est épanouie dans tout ce qu'elle fait, jusqu'au jour où un changement dans sa vie va complètement chambouler ses émotions.
Et c'est là que, après une introduction nous exposant rapidement le fonctionnement du quartier général émotionnel en jouant principalement la carte de l'humour (on n'est pas dans «Il était une fois la Vie» non plus) que le film prend une tournure étonnante et de plus en plus dynamique, jonglant avec brio entre la dure réalité de Riley et le « joyeux » capharnaüm se déroulant dans sa tête en ces moments de désolation chronique.
Vice-Versa devient dès lors un véritable rollercoaster des émotions, nous transportant dans diverses zones de l'esprit telles que le labyrinthe de la mémoire à long terme, le studio des rêves ou le cachot du subconscient pour devenir un émerveillement de tous les instants.
Le film au rythme impeccable brille d'une inventivité omniprésente, alternant tranches de rire et mélancolie pure, il est une ode au lâcher prise, à la fin de l'enfance et à l'acceptation de la tristesse comme élément faisant partie intégrante de notre vie. Pete Docter livre une oeuvre paradoxalement abstraite pour toucher au réalisme du ressenti, comme c'était le cas avec Là-Haut qui, sous ses airs de film d'aventure, nous parlait du deuil, un sentiment cruel et pourtant universel, de ceux qui sont trop souvent boudés par les dictats d'une industrie de l'animation positiviste à tout prix.
Aussi, si Vice-Versa plaira sans doute aux enfants de par son univers coloré et désopilant, il parlera d'autant plus aux adultes par le biais de ses thématiques qui les ramèneront à l'enfance dans tout ce qu'elle a de plus exaltant et fondateur mais surtout...éphémère.
Ainsi, fort de son montage alterné entre réalité et psyché d'une précision digne d'un Inception, appuyé par une bande originale d'un Michael Giacchino très inspiré (les fans de Lost ne manqueront pas de repenser à leur série fétiche à l'écoute du joli thème final) et nous laissant sur notre faim dès l'apparition du générique tant on reprendrait bien encore une part de ce bonheur cinématographique, Vice-Versa est le nouveau chef-d'oeuvre de Pixar, celui qu'on n'attendait plus et d'une qualité qu'on n'est probablement pas près de revoir étant donné la ribambelle de suites (Le Monde de Némo 2, Toy Story 4, Les Indestructibles 2) que prépare actuellement le studio en marge du Voyage d'Arlo aux attributs visuels pour le moins discutables.
Bref, en attendant impatiemment le retour de Pete aux commandes, on est déjà tenté de lui demander : « quoi de neuf, Docter? »
Retrouvez d'autres critiques sur mon blog : http://postgenerique.blogspot.be/