Encore un film qui prouve l'écart important entre les critiques et les spectateurs.
Lorsqu'on lit les critiques avant de voir le film on rentre dans la salle à reculons, persuadé d'assister à un téléfilm catastrophe sur TMC le dimanche après-midi.
Et pourtant, sans être un chef d'oeuvre, Everest parviens à s'extirper de nos a priori.
Néanmoins il lui reste trois défauts, majeurs.
- Le rythme
En effet le film est à mon sens assez mal construit.
Sa première partie, beaucoup trop longue, ne se focalise jamais sur l'expédition elle-même, sur ses tenants ou ses aboutissants, sur sa préparation mais tout simplement sur le vécu inintéressant de chaque personnage. Surement le réalisateur a voulu étirer au maximum cette première heure pour
1) faire ressentir aux spectateurs que la montagne n'est pas l'histoire de quelques jours, que cela ne se fait pas en claquant des doigts, et que l'acclimatation et la préparation sont nettement plus longues que le fait d'atteindre le sommet.
2) faire petit à petit oublier l'idée de base ; l'accident terrible qui va se produire. Et c'est réussi de ce point de vue là, puisqu'on en oublie totalement que les choses vont bientôt déraper.
De plus la construction du film est chaotique et totalement déséquilibrée. L'aspect carte postale rébarbatif alourdit absolument le film (Camp 1, 17:00, Camp 4 22:00, etc.), certaines séquences sont même utilisées deux fois (!!), les équilibres entre les scènes sont brisés (les scènes d'action, pourtant réussies - lire plus bas - sont constamment brisées par des scènes de parlottes inutiles la plupart du temps).
Mais là encore c'est peut être volontairement que le film se construit aussi chaotiquement ; afin de retranscrire fidèlement le chaos qu'était cette expédition, étirée sur deux journées et localisées sur différents lieux de la montagnes et des camps.
- Les personnages
C'est sûrement là le défaut majeur du film.
Outre le côté américanisé de la montagne (on va au temple bouddhiste comme on va au zoo, on parle aux sherpas comme à des êtres inférieurs, on ne parle jamais de montagne, de Nature ni le la montre jamais vraiment...), qui reflète bien la réalité de ces expéditions touristiques en lieux périlleux (un Népal immaculé envahi de Texans bourrins, bruyants et pollueurs), on reste dépité face au combat désespéré du réalisateur pour tenter de donner profondeur et forme à des personnages qui n'en auront jamais. Relégués au rang de clichés d'eux-mêmes et catégorisés (le Texan - Josh Brolin, très décevant, qu'on préférera cette année dans Sicario - , le branleur un peu hippie - Jake Gyllenhal un peu trop cool pour être supportable -, ...) ils ne montrent qu'un panel représentatif des motivations qui peuvent guider un homme à gravir la montagne (une jolie scène à l'origine, horriblement gâchée par des dialogues sans vitalité et mauvais à souhait, confronte chaque homme face à leurs motivations lorsque que le journaliste Krakauer leur pose la question fatidique : "Seriously. Why ?").
Si bien que la première heure qui s'évertue en vain de donner une profondeur aux personnage se révèle d'une utilité certaine quant à leur destin tragique. En effet, en multipliant les scènes lourdingues de dialogue d'alpiniste avec leur femme/famille restée au pays, le réalisateur tente de nous faire apprécier ses personnages, de compatir à leur sort etc. Or tout ceci est tristement contrecarré par la manière avec laquelle il les fait tomber comme des mouches. Les persos dont on avait passé une heure à tenter de dresser une histoire, une humanité, meurent et cela ne nous fait véritablement pas grand chose... C'en est limite dommage.
D'une fadaise folle aucun personnages ne se démarquent réellement, si ce n'est peut être le personnage qu'incarne de manière touchante et sincère Jason Clarke, guide amoureux de la montagne et petite maman attendrissante de ses clients, au destin tristement tragique.
- Les effets
Peut être aurait il fallu le voir en 3D. Ce que je n'ai pas pu faire malheureusement. Mais à voir la version 2D, je ne pense pas que la 3D soit véritablement efficiente et rajoute à l'immersion. Car parfois les effets spéciaux sont pas terribles ; le fond vert est flagrant, la sensation d'être dans un studio l'est aussi... Une scène qui avait pour but de montrer la montagne dans toute sa splendeur vire ainsi à l'ironique ; le personnage de Clarke vient réveiller deux de ses clients pour leur demander de venir assister au spectacle d'un ciel parfaitement dégagé dévoilant un Everest impressionnant et majestueux. Or à l'entendre dire "Guys, come and see !" on va presque jusqu'à s'imaginer que les acteurs vont lui répondre : "Wahooo ! What a beautiful green screen !"...
De plus, alors qu'il a les moyens, le réalisateur ne joue qu'à de très rares moments sur la sensation de vertige, pourtant prépondérante en alpinisme, et ne propose ainsi que de très rares plans en plongée verticale qui aurait eu pour effet de donner de vraies sensations au spectateur... C'est dommage car on a l'impression de réellement passer à côté de quelque chose...
Enfin le film est servi par une B.O. d'une fadaise rare ; les musiques semblent avoir déjà été entendue un nombre incalculable de fois, et aucune émotion ne passe par les notes...
Heureusement le réalisateur se rattrape habilement lors du gros quart d'heure, cœur du film, qui présente en immersion totale, la tempête. Grâce à des effets sonores grandioses, une sensation de flou et de chaos total, l'immersion dans la tempête est brutale et réaliste ; en effet, à l'inverse des autres films hollywoodiens qui auraient joué des minutes durant sur l'approche menaçante du nuage noir et de l'orage, ici tout se joue en quelques secondes ; les alpinistes ont à peine le temps d'apercevoir le nuage noir qu'il se le sont déjà pris dans la gueule. C'est scotchant.
Tout ça pour dire qu'Everest est un film moyen mais pas désagréable, qui allie de manière très déséquilibrée bons sentiments et catastrophe.
Pas aussi dégueu que l'ont prévu les critiques !