Mélo apaisé
Sept ans après son dernier film de fiction, et après deux documentaires, le grand cinéaste allemand Wim Wenders revient à la fiction en 2015 avec Every thing will be fine, un mélodrame qui sait...
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le 14 avr. 2020
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Et là je sais déjà que vous avez envie de disliker à cause du titre. Mais bon tant pis, je me lance.
Pour commencer par mon ressenti, je dois dire que je suis sorti de la salle de cinéma assez perplexe. Vague fumisterie, film parfaitement maîtrisé et plus subtil qu'il n'y paraît, film OKLM ? Peut-être un peu des trois, mais je pencherais plutôt pour la deuxième solution (même si pour des raisons personnelles j'ai un peu piqué du nez). En tout cas, pour un premier "drame d'auteur" fictionnel en 3D, c'est intriguant.
En fait, j'ai du mal à me dire si la 3D apporte réellement un plus au film ou non. D'un côté, certains fondus enchaînés sont véritablement sublimés par le procédé, rapprochant les acteurs dans l'espace sur deux plans différents. C'est audacieux, ça fonctionne et ça sert le récit. Je dois dire également que la 3D donne un corps supplémentaire aux nombreux travellings compensés, qui sont très beaux. Non vraiment, Wim Wenders a tenté une dramatisation de la 3D qui par moments fonctionne à merveille.
Mais d'un autre côté, ça rend l'image globalement assez floue, assez neigeuse, ce qui participe à l'ambiance du film mais fait un peu mal aux yeux. La profondeur de champ ici très réduite, choix normalement proscrit des tournages en 3D, ne fait malgré les dires de Wim Wenders pas très réaliste et donne une impression visuelle étrange. En fait, on aurait un peu dit l'ambiance de Benjamin Button (dont la musique était d'ailleurs également composée par Alexandre Desplats, ici encore magistral) adaptée à la 3D, mais je ne suis pas certain que c'était la meilleure solution pour un film comme Every Thing Will Be Fine. Le jeu des acteurs en devient également très minimaliste, aux déplacements peu nombreux. Le problème c'est que ce choix n'en est pas vraiment un mais provient plutôt des inconvénients de filmer en 3D. Dans tous les cas, j'espère que d'autres tentatives de fictions seront faites avec la 3D, et peut-être que c'est simplement une question d'adaptation visuelle à ce nouveau champ des possibles.
J'ai aussi été assez dubitatif puis émerveillé par le montage du film. En cela, je trouve qu'il se séparerait presque en deux parties, la première étant très moyenne avec des fondus aux noirs hasardeux (annihilant pour ma part toute tentative d'émotion) et une narration laissant énormément de non-dits.
Ainsi, pourquoi ne pas montrer la réaction de la mère face à la découverte de son fils ? Puis celle de Thomas ?? Car du coup on ne comprend absolument pas leur comportement l'un envers l'autre pendant une partie du métrage. Dans n'importe quel autre film et la réalité, Thomas serait passé devant les tribunaux et aurait certainement fait de la prison pour homicide involontaire. Cela fait peut-être justement partie de l'originalité scénaristique du film mais ne justifier à aucun moment cette réaction est selon moi une erreur de construction de personnages. Vers la fin du film, je trouve également que le contact créé par Christopher est traité de manière très banale du côté de Thomas, alors que ce passage aurait pu être vraiment fort.
Mais toute la force du film vient du fait que ces non-dits peu pardonnables deviennent le moteur émotionnel de la deuxième partie. Et à partir de là, chaque fondu temporel est une nouvelle couche de vécu que l'on rajoute aux personnages, d'années qui se sont écoulées, d'événements dont les personnages se souviennent ou ont oublié.
En fait, ce qui m'a touché dans ce film, ce n'est pas tant la question de la créativité ou de la culpabilité, que les relations intimes des personnages à travers le temps. Et je crois d'ailleurs avoir trouvé ce qu'il me manquait pour réellement adorer Boyhood : des gestes, ou l'absence de gestes. Des gestes comme les deux claques qu'inflige Sarah à Thomas pendant le concert, le non-tremblement des mains de Thomas après l'accident de la fête foraine, le père de Thomas qui s'effondre dans ses bras, l'ouverture de porte de Thomas à Christopher.
Se dire "everything will be fine", c'est un peu repousser vers le lendemain les problèmes d'aujourd'hui. Un peu comme ma vaisselle.
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Créée
le 6 mai 2015
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