Rien ne pouvait préparer le choc que fut Toni Erdmann pour les spectateurs de 2016. Enfin si, les personnes qui avaient eu la chance de voir le précédent film de Maren Ade, Everyone Else. Comme Toni Erdmann, le film commence par un sketch: une leçon d'éducation absolument anticonformiste et cynique qui donne déjà le ton tragi-comique au film. Les deux films travaillent le rapport entre les individus et la société. L'enfer c'est les autres ! Les duos (père-fille ou mari-femme) ne pourront échapper à l'action mortifère de la société qui met fin à l'édénisme de la relation à deux. Par un scénario extrêmement subtil, qui ferait rougir un Xavier Dolan ou une Maïwen, le film relate le processus de la rupture. On peut facilement rapprocher le personnage de la femme de celui du père dans Toni Erdmann, de même que l'homme nous fait étrangement penser à Inès. A la seule différence qu'il n'est pas encore "contaminé" par cette société qui détruit les amours, créée du conformisme là où il y avait du singulier. Car nos deux amants, sont bien un duo singulier, échappant aux codes du couple moderne comme le souligne la première scène du film. Malheureusement, le drame humain fait que toute personne, tout couple est confronté à d'autres images qui les renvoient inéluctablement à leur propre situation. On commence à se poser des questions, à douter. Le fait de réussir est-il nécessaire pour s'épanouir en société? Doit-on être riche pour vivre heureux? Des questions toutes simples, posées subtilement par le film. Everyone Else traite de la séparation qui se joue en profondeur dans les mentalités de deux êtres. L'homme, confronté à l'autre, décide de se rattacher aux valeurs jugées "normales", dictées par la loi des individus. Tandis que la femme, reste elle-même, et voit, impuissante, son mari basculé de l'autre côté. La rupture est inévitable, elle est déjà présente dans cette scène au combien anodine mais bouleversante, où les deux hommes poussent respectivement leurs femmes dans la piscine. La séparation physique s'opère avec d'un côté les hommes et de l'autre les femmes. Maren Ade met en lumière le sexisme dans les relations de façon particulièrement intelligente. Autre scène particulièrement choquante et pourtant assez banale: l'homme fait visiter à son voisin les pièces intimes de sa mère et se moque de ses goûts ringards, tandis que sa femme est montrée comme témoin impuissant du comportement au combien déplacé de son mari. Le film est particulièrement bouleversant tout en restant sur un registre qui élimine toute hystérie ou grands bouleversements narratifs. Avec Eveyone Else puis Toni Erdmann, Maren Ade s'impose comme notre grande moraliste, au bon sens du terme, de notre époque.