On pourrait croire que deux mots, "nothing matters" ("rien n'a d'importance"), pourraient suffire à résumer le dernier long métrage de Dan Kwan et Daniel Scheinert. Pourtant, la richesse d'Everything Everywhere All at Once dépasse largement ce simple constat : enfin un blockbuster qui surprend, qui n'ennuie pas, et qui est plus qu'un simple divertissement ! Dans un monde où tout, même l'art, devient un pur produit de consommation, et où tous ceux qui luttent contre le système de manière trop extrême sont noyés dans la masse, il est important à mon sens de voir des grosses productions de cette envergure qui ne sont pas uniquement des produits marketing, mais qui sont également des œuvres riches et bouleversantes.
La référence directe à 2001, l'Odyssée de l'espace dans le film n'est pas anodine : le chef-d'œuvre de Stanley Kubrick sorti en 1968 est depuis des années une référence incontournable du cinéma métaphysique. En ce sens, Everything Everywhere All at Once est un lointain héritage de 2001 qui pose la question suivante : "peut-on vraiment affirmer que rien n'a d'importance ?". Ne nous leurrons pas, ce film n'est pas le nouveau Stalker ou le nouveau Persona du XXIème siècle. Il s'agit bel et bien d'un divertissement grand public, électrique et plaisant, qui ne se prive pas d'embrasser pleinement les codes du blockbuster Hollywoodien. De plus, la réflexion métaphysique portée par le film n'est pas radicalement novatrice ou révolutionnaire. Mais ce long métrage parvient malgré tout à introduire brillamment des thématiques purement métaphysiques dans un divertissement grand public, et nous l'en remercions.
"I put everything on a bagel". Cette réplique, elle aussi, résume très bien le film. En effet, on pourrait presque croire que tout est dans ce film : des passages comiques, souvent absurdes, d'autres contemplatifs, mais aussi des scènes d'action, du drame, des retournements de situation, des surprises. À cette fusion presque complète des genres cinématographiques s'ajoute une recherche esthétique et technique qui repose souvent sur l'utilisation de leitmotivs. Un leitmotiv musical par exemple, avec la répétition des premières notes du Clair de Lune de Debussy, mais aussi un leitmotiv visuel, avec l'apparition à plusieurs reprises du "Bagel", symbole de l'absence de "sens" dans l'univers. Bien qu'il soit riche et complexe, ce joyeux mélange très complet et très étrange ne perd jamais le spectateur qui est guidé du début à la fin dans un univers étonnant et fascinant.
Everything Everywhere All at Once est si excessif et délirant par certains aspects qu'on est amené soit à l'aduler, soit à le détester. C'est le cas à mon sens des plus grandes œuvres cinématographiques.