Nous y sommes. L'apothéose de la réalisation pour un film de science-fiction (fantastique ?). C'est vrai que les onze nominations et les sept Oscars raflés par le film lors de la dernière cérémonie de nos confrères à Hollywood pourraient nous mettre la puce à l'oreille. Si la ligne du film pourrait se résumer à une Evelyn Wang (Michelle Yeoh) qui essaye de faire la comptabilité de ses taxes comme le laissait entendre le synopsis, force est de constater que cette trame linéaire va s'efforcer de partir dans tous les sens et ce dans un joyeux bordel chaotiquement bien organisé. Et c'est là que le film de Dan Kwan et Daniel Scheinert tire toute sa quintessence. On aborde ici un multivers reprenant tous les codes ayant fonctionnés pour des blockbusters, en ne gardant que le très bon et en se moquant ouvertement de leur facilité scénaristique ou et de leur extravagance affichée.
Everything, Everywhere all at Once est un film à prendre au 43ème degré et ceux qui s'attendent à un Kubrick et à une réflexion métaphysique sur la création de l'univers sans avoir l'humour et le recul nécessaire seront inéluctablement déçus. Car oui, rien qu'en entendant les noms de Dan Kwan et Daniel Scheinert, le studio A24 annonçait la couleur. Si cette comédie n'est pas aussi décalée que Swiss Army Man des mêmes réalisateurs où l'on peux voir Daniel Radcliff en cadavre ambulant servir de jetski, on reste ici dans un pastiche de situations loufoques sublimées par un montage exceptionnel où les personnages, touchants mais aussi drôle malgré eux, nous amènent à des moments de comédie assez grandiose. Les scénaristes se sont lachés pour le plus grand plaisir du spectateur comme en témoigne sans trop spoiler les scènes des hotdog ou la saisissante scène de Ratontouille aka Raccouni qui met en lumière l'imagination sans limites des créateurs du film.
Quand l'on sait que le film n'a couté "que" 25 millions de dollars aux vues des effets spéciaux engagés et du travail accompli, on ne peux que saluer le flot d’impressions nouvelles que nous font vivre les techniciens derrière la caméra. Les afficionados de belles photographie et de montage millimétré sauront apprécier le génie apporté au film tant le travail monstrueux a dû être nécessaire pour passer d'un univers et d'une ambiance à une autre en un claquement doigts, chaque scène abordant la vie parallèle de l'héroïne est mis en lumière de façon originalement bien pensée amenant à des sous-intrigues qui s'imbriquent dans le film (on remarquera la très bonne idée des différents formats d'écran, de style et de cadrage dans ces sous histoires).
Mené tambour battant, le rythme irrégulier des 3 chapitres (Everything - Everywhere - All at once) ne se démentira pas tout au long de l'oeuvre et réussira même à nous toucher par la sensibilité des personnages et à se laisser aller dans la comédie dramatique. Et que dire de la prestation Ke Huy Quan (oscar du meilleur acteur dans un second rôle) qui montre qu'être acteur est un véritable métier, passant du mari ennuyant et enfermé dans sa relation au scientifique charismatique expert des art martiaux à la banane...
Il n'en fallait pas plus pour rendre un film divertissant et graver de nombreuses scènes dans nos esprits. Le synopsis "une dame devant faire face à ses taxes à payer" est donc bien en accord avec l'esprit du film et cette maxime dont le personnage principal d'Evelyn Wang essaye de s'extirper :
Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle