Les Daniels (Daniel Kwan et Daniel Scheinert) nous invite dans leur (multi)univers singulier. Everything Everywhere All at Once est un véritable ovni qui mélange allègrement comédie d'action, film d'arts martiaux, science-fiction ... le tout à la sauce multivers. Le film est d'une richesse folle et ne vous laissera pas le temps de souffler, au point où ça en devient rapidement épuisant. Mais si vous survivez à ce rythme frénétique, vous allez en prendre plein les yeux (décors et costumes). Everything Everywhere All at Once ne peut pas plaire à tout le monde, mais c'est une expérience qui mérite d'être vécue, rien que pour l'inventivité du script et pour son humour complètement barré. On a rarement atteint un tel niveau de délire dans un film, au point où c'est presque impossible d'en faire le pitch ... et d'ailleurs je ne me risquerai pas à le faire ici.
C'est touchant, drôle et fun, mais c'est aussi et surtout complétement déjanté. On nage en plein multivers, où l'espace-temps est infini et multiple, où tout ce qui est en haut est en bas, où le vrai devient faux et le faux devient vrai. Et si vous survivez à ce voyage à travers l'espace et le temps, vous allez découvrir le vrai message du film, qui est d'accepter d'avoir peur, de ne pas avoir honte d'être confus, de se tromper et d'être faillible. Répondre à la violence par la violence multiplie la violence, alors qu'on peut la "combattre" en apportant du bonheur et de la joie aux autres. Rien n'est figé, tout le monde peut apprendre de ses erreurs.
Un vieux proverbe dit que "l'herbe est toujours plus verte ailleurs". La question est alors d'accepter l'herbe dans laquelle on se trouve, de positiver ce qui existe, au risque de renoncer à son idéal et à ses ambitions, ou bien de continuer la recherche vers cet ailleurs ? Cet ailleurs (le multivers) que nous recherchons, il y en a partout, là où notre attention se porte. A force de toujours vouloir chercher mieux ailleurs que ce que l'on a, on finit par oublier ce qui compte vraiment.
Nous vivons dans un monde où tout est possible (un multivers virtuel) et on se consomme, on s'oublie, on abandonne et on regarde toujours ailleurs, vers autre chose, vers de nouvelles promesses. Les Daniels disent clairement que notre monde à nous vaut bien n'importe quel autre monde et que ce qui compte ce sont les gens qu'on aime et qui nous aime. Il y a quelque chose de très beau et émouvant, dans la manière dont le gigantesque (le multivers) se mêle aux questions intimes et familiales et comment l'empathie finissait par être intelligemment évoqué. Ainsi, j'ai beaucoup aimé ce passage quand Waymond (Ke Huy Quan aka Demi-Lune) fait un discours en faveur de la gentillesse et que sa femme Evelyn (Michelle Yeoh) s'en inspire pour combattre.
Toujours dans les bons points, j'ai versé ma petite larme au moment où Waymond déclare sa flamme à Evelyn dans un univers où les deux ont le mieux réussi socialement, mais séparément : "I Would Have Really Liked Just Doing Laundry And Taxes With You". Dans cet univers, tous les deux ont réaliser leurs rêves professionnels les plus fous, mais il leur manque l'essentiel ... l'amour de l'autre. La grande réussite du film c'est aussi de montrer que Waymond est tout sauf stupide. Il a sa façon à lui de se battre dans la vie et ne fait qu'éponger tout un tas de manque de respect de la part de son entourage qui critique sa sensibilité et sa trop grande gentillesse. Mais finalement, c'est bien lui qui sauve la situation au moment où sa femme ne croit même plus en lui ... c'est un joli retournement de situation, non ?
La volonté est de faire un contenu pétillant et vif est fort louable (et très efficace), mais au fur et à mesure ça devient fatiguant. Le script est malheureusement tellement riche, que le film en devenir lourd. Même si vous rentrez dans le délire, le film dure plus de deux heures et vous allez le sentir passer. Et si vous ne rentrez pas dans le délire, on peut même dire que ça va être pénible pour vous. Le problème, c'est que les idées sont balancées pêle-mêle, à la limite de l'overdose. tout ça, ça manque de simplicité, ce qui empêche l'émotion de naître. La trame principale du drame familial n'arrive pas à se développer. Il y a beaucoup trop d'interférences pour que les rapports humains soient correctement approfondis, d'où une note finale légèrement mitigée. (6.5/10)