2013 est une année sous le signe du remake des films d'horreurs. En démarrant janvier avec Maniac, voici qu'arrive Evil Dead de Fede Alvarez, jeune réalisateur uruguayen découvert par Sam Raimi grâce à son court-métrage Ataque de pánico !, et en attendant Massacre à la tronçonneuse 3D et Carrie : la vengeance. Si l'opus original de Sam Raimi oscillait entre l'angoisse et un second degré comique dû à des effets visuels éventuellement grossiers, il a pour autant marqué une génération entière d'amateurs du genre et laissé la trace d'une trilogie dans le genre. Le charme de Bruce Campbell opérant à merveille et laissant le souvenir d'un personnage mythique.
32 ans plus tard, Sam Raimi et son ami Bruce Campbell produisent ce remake, différent de l'original dans son approche mais sans pour autant être dénué d'épouvante, d'horreur et d'effrois. Fede Alvarez qui officie aussi sur le scénario avec Rodolfo Sayagues, s'est fait plaisir en reprenant certains éléments mythiques de la trilogie tout en proposant une nouvelle identité, plus sanglante, plus sérieuse, plus fidèle aux attentes du public actuel. La bande-annonce laissait imaginer un film affreusement sanglant et a étonnement eu le mérite d'intriguer aussi bien les non-initiés que les réticents à l'idée d'un remake. Au final, Evil Dead 2013 est une nouvelle expérience dans l'horreur, approximatif et boiteux mais cassant agréablement avec l'overdose de found footages et d'exorcismes.
Car là où Sam Raimi pêchait par un scénario stéréotypé, Fede le compense par une trame qui explique le rassemblement des cinq personnages dans une cabane dans les bois, éloignée de toute civilisation. Un personnage qui promet de ne plus toucher à la drogue, une cure de désintoxication forcée et vous obtenez un postulat de départ, pas grotesque et qui évite le cliché du "weekend dans les bois". Avant ça, une scène d'introduction prépare le terrain pour le Necronomicon ou Le Livre des Morts, avec une référence direct au premier opus qui laissait un enregistrement des incantations d'un archéologue. Des idées de scénarios qui donnent de la consistance au récit et participent à sa mythologie, servies par une pléiade de situations toutes plus horribles les unes que les autres. Il y a une volonté forte de créer une mythologie autour du Necronomicon. Les esprits maléfiques qui composent ce film sont absolument répugnants et donnent une véritable crédibilité à des êtres venus de l'au-delà. Le lieu, le cadre et le combat entre les démons n'auront jamais semblé aussi apocalyptiques. L'un des plans du film représentant une pluie de sang s'abattant sur l'unique survivant(e) devant la cabane en flamme.
Seulement Evil Dead, tout en proposant de nouvelles choses, ne surprend guère et tombe malheureusement dans le gouffre des codes du genre ressassés sans cesse. Le remake, combiné à un Sam Raimi en arrière-plan, laissait espérer une oeuvre qui éviterait soigneusement le stéréotype. Il est dommage de constater une construction des personnages inexistante pour un film qui pose ses personnages comme de la simple chair à massacrer, sans qu'une réel empathie n'envahisse le spectateur. Le héros masculin n'a pas le charisme d'un Bruce Campbell, qui était en total roue libre sur la trilogie, et sa copine ne doit avoir qu'une dizaine de phrases dans tout le film. Aucune épaisseur des personnages ne vient donner de la consistance à une intrigue qui rappellera des dizaines, des centaines de films d'horreur. Il y a bien une volonté d'ajouter un passé aux deux personnages principaux pour donner lieu à un scénario (presque) original mais qui n'intervient qu'au second-plan, et sans incidence sur le film, par rapport à l'effusion de sang qui va suinter de votre écran de cinéma.
Car Fede Alvarez va encore plus loin que Sam Raimi. Faisant preuve d'audace et d'une violence extrême dans son contenu, Evil Dead choquera les esprits sensibles et l'interdiction aux -16 ans est somme toute logique. Mais c'est une audace qui fait ses preuves car elle se pose en marge des conventions actuelles qui misent sur des effets simplistes, tandis que là l'horreur n'a jamais été aussi présente et il y a fort à douter que le film serait sorti dans les salles sans le soutien de Sam Raimi. Evil Dead transpire le réalisme affreux, dégoûtant, macabre et glauque. Autant d'adjectifs pour définir un traitement du film qui monte crescendo jusqu'à une inondation de sang à l'issue finale. Fede Alvarez est un réalisateur reconnaissant des réalisateurs qui ont su l'influencer. Cela se ressent dans la construction des démons qui rappelleront L'Exorciste de William Friedkin, ou Tarantino et ses effusions de sang surréalistes, sans oublier Sam Raimi, véritable mentor pour ce réalisateur qui a coup sûr trouvera sa place à Hollywood.
Evil Dead est donc un remake correct. Il reprend la trame original pour s'implanter à notre époque où les effets visuels n'ont jamais été aussi réalistes. Il arrive cependant à s'en détacher facilement sans pour autant faire de l'ombre à la trilogie dont il s'inspire. Impressionnant, cruel, macabre mais imparfait notamment dans la construction de ces personnages et de son dénouement relativement frustrant. Il ne reste donc d'Evil Dead 2013 qu'une oeuvre du genre originale, en marge des exorcismes et du found footage. L'ultra-gore n'a jamais été aussi présent dans un film qui bénéficie d'une sortie internationale. Pour autant, tout le mérite revient à ces effets sophistiqués et à la volonté de donner vie à une oeuvre sanglante. Sans cela, le premier long-métrage de Fede Alvarez n'aurait été qu'un slasher conventionnel, sans surprise et dénué d'épaisseur.