" 11 ans ??!!! .... Boârf, ça va. Vous pouvez le prendre."
C'est par la grâce de ces quelques mots libérateurs que cette pochette de VHS usée et collante s'est retrouvée dans nos petites mains moites et tremblantes.
Ca faisait un moment qu'on la reluquait cette cassette, faut dire. Mais la peur nous tétanisait.
On passait devant, l'oeil papillonnait à droite, à gauche sans se poser dessus directement. Un peu comme nos va-et-vient devant le rayon porno, où ces poitrines lourdes et ces fesses rebondies nous faisaient de jolies sourires, mais dont la taille impressionnante de ces attributs et l'inconnu qu'elles représentaient nous faisait frissonner autant que les images ténébreuses et sanguinolentes plaquées au dos de la cassette d'épouvante.
C'est donc tremblants que nous sommes rentrés à demeure. Volets fermés. Pop corn gonflé. Lumière éteinte.
Ce n'était pas sans un dernier regard anxieux vers l'unique sortie, l'ultime échappatoire, que nous avons appuyé sur le bouton "play" de cet ENORME magnétoscope
.
De la brume. De la brume qui s'efface. Un marécage.....
Et une caméra qui prend vie, qui s'anime, qui se met à courir. Qui coursera nos protagonistes tout le long du film, la représentation maline et économique de cette saloperie d esprit maléfique.
Le scénar ? LE basique du film d'horreur.
Une cabane dans les bois. 4 jeunes cons venus passer des vacances dans le trou du cul du monde. Et manque de bol, entre ces quelques planches moisies; l'esprit le plus diabolique de la planète sorti tout droit du Nécronomicon Lovecraftien venu leur chercher des poux dans la tête..
Rien de bien original !
Mais le scénario, Raimi s'en balance !
" Evil Dead " c'est autre chose. C'est une expérience. C'est sensoriel.
C'est un rythme. Un rythme effréné, cartoonesque. Un héros benêt au jeu "expressionniste", un humour et une gestuelle très "slapstick". Un mélange improbable de Murnau et Chaplin.
Et puis du sang, du sang, des litres de sang. De la pâte à modeler aussi.
Des yeux blancs et des taille-crayons improvisés.
Des hurlements et des rires démoniaques.
Des fusils et des dagues acérées.
C'est des arbres peloteurs et une cave où même Catherine Lara ne descendrait pas.
C'est Sam Raimi qui réalise et Joel Coen qui cadre.
Evil Dead c'est de la nausée et de la poilade.
C'est une imagination débordante et pas un dollar en poche.
C'est un "bis" saugrenu devenu un classique bizarroïde.
C'est donc vibrant de partout que nous avons éteint ce magnétoscope de 8 kilos.
Les jambes flageolantes, nous avons ouvert rideaux et volets,laissant pénétrer un filet de lumière qui fut le bienvenu après cette heure et demie plongée dans les ténèbres.
Nous nous sommes regardés un instant, statiques. Et nous avons éclaté de rire, exorcisant probablement un film trop étrange, trop " WTF" pour des gamins de notre âge.
"Evil Dead" c'est flippant. "Evil Dead" c'est marrant. "Evil Dead" c'est dégueux aussi et ç'est gerbant....Et tout ça en même temps...!