De la pâte à modeler en Stop Motion ?

Je n'étais pas encore né à l'aube des années 80, ce qui me laissera sans doute quelques regrets épars, mais je peux me permettre d'imaginer quels étaient les rapports entre les films d'horreur et leur public. A notre époque où il suffit de charger la mule pour recevoir en quelques minutes (et sans se déplacer) à peu près n'importe quel film, il n'est pas étonnant de voir les inconditionnels du genre abreuver leur soif d'angoisse tout seul dans leur chambre, à la lueur du PC. Au contraire, il y a 30 ans, le film d'horreur n'avait rien d'un plaisir solitaire : il fallait se déplacer, louer deux ou trois VHS, voire même le magnétoscope qui allait avec, et visionner le tout en groupe, les fesses sur un canapé bien moelleux.
Et le fait d'être seul ou en groupe modifiait totalement les réactions provoquées par ce qui passait à l'intérieur du téléviseur. Une personne seule, dans le noir, le visage à moins d'un mètre de l'écran, sera davantage susceptible de répondre à l'objectif principal d'un film d'épouvante : ressentir la peur. Contrairement à lui, un groupe sera à la merci d'un autre sentiment que l'effroi : l'amusement. Se gausser de quelqu'un qui sursaute, faire des commentaires désobligeants à propos de la manière dont un personnage tombe dans le piège du tueur... autant de réactions qui sont toujours récurrentes dans les salles de cinéma.

"Evil Dead" est donc pour moi LE film d'horreur qui plaira uniquement à condition d'être rassemblés autour du poste. "Ils veulent se marrer ? Eh bien, on ne vas pas y aller avec le dos de la cuillère !" a du se dire Mister Raimi alors qu'il était tout jeune. Et contre toute attente, l'œuvre qui résulte du travail du bonhomme parvient à toucher, parfois à transcender les deux objectifs précédemment cités : mourir à la fois de terreur et d'hilarité.

Le scénario tient sur un timbre poste et la moitié de l'univers est piquée à la cosmologie créée par H.P. Lovecraft, mais il faut se le dire une bonne fois pour toutes : on s'en bat les steaks avec une tapette à mouche. On a pas le temps de se dire que le scénario est à chier qu'on nous offre une ambiance pesante pour combler ce vide. Et ça marche !
Évidemment, inutile de nier le fait que les effets spéciaux ont très mal vieilli. A la fin, difficile de voir autre chose qu'une gigantesque séquence de stop motion avec de la pâte à modeler. Pourtant, cela justifie-t-il, de la part de Raimi, le désir fraichement annoncé de vouloir faire un remake de son propre film ? Comme beaucoup, j'attends de voir.

En partie, c'est d'ailleurs par le biais de ces effets spéciaux très kitsch que "Evil Dead" parvient à récolter bien davantage qu'un ou deux rires peu convaincus. La formule-clé pour faire dans le second degré était claire : l'excès. On prend tout les ingrédients du film d'horreur lambda ... et on multiplie par dix. On fait cracher aux possédés du jus de tomate, de cerise, de groseille, du lait, tout et n'importe quoi, la consigne étant donné de toujours en faire trop pour faire naitre le dégout et l'amusement. Même chose pour les maquillages ! Et pour le comportement des protagonistes, qui sont en effet dix fois plus cons et illogiques que d'habitude !
Alors comme ça, ma petite Cheryl, t'entends un bruit dehors, et ça te suffit pour t'éloigner toute seule de la cabane, dans une foret lugubre et sombre, en chemise de nuit ? Et après, tu t'étonnes de t'être fait violer par des arbres ? Tsss tsss...

C'est gore, c'est rapide, c'est rigolo. Bref, "Evil Dead" représente la quintessence du slasher. A la différence près que le tueur est un démon maléfique et que les protagonistes ne meurent pas les uns après les autres, mais se transforment en des créatures hideuses, malapprises et qui crachent du lait à tour de rôle.
Le bonheur, quoi.
Yoth
8
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le 29 oct. 2011

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Yoth

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