Cela démarre très fort. Et c’est comme si on y était, 'in the NY Public Library, at the Stephen Schwarzman building…' La caméra alterne entre un public dense, attentif et subjugué, et Richard Dawkins (éthologiste britannique), expliquant la puissance de la science face à l’obscurantisme, la science étant vue comme poésie de la réalité. L’obscurantisme, sur le terreau duquel l’ignorance se nourrit, devant être combattue ici même. L’orateur expliquera longuement que ce n’est pas l’ignorance le problème, mais d’ignorer celle-ci.
Et dans cette grande bibliothèque prestigieuse, ouverte en 1895, au cœur de Manhattan, sur la 5sw 42st, très proche du Met, l’apprentissage et le savoir ne sont pas que de purs idéaux, ils sont mis en œuvre, ce faisant, ils ratissent large parmi cette mégapole atypique.
Ce 42eme documentaire de Frederick Wiseman prendra 3H20 pour nous le démontrer. Il va parcourir les différents lieux et ramifications de ce considérable lieu considéré comme la 3ème bibliothèque du monde, irradiant de la 5ème rue au Bronx, Staten Island, Harlem, ect… Cet immense réseau de partage et d’accès au savoir et à la culture, est mis en lumière sous toutes ses formes (image, musique, spectacle vivant, conférence, atelier de théâtre, danse, lecture…), ouvert à un large public (enfance, adolescence, handicapés, malentendants, y compris les sans- abris, qui ne sont pas occultés de la réflexion).
Le cinéaste qui a avoué à certains journalistes (Mediapart) avoir été dans ce dernier film étiré en longueur, « en conversation avec lui-même », est cependant et comme à son habitude, sans aucune voix off, et livre une oeuvre largement dédiée au politique. Le politique ne pouvant être séparable de cette institution bruîssante, et en perpétuelle évolution. Wiseman a suivi de très près sa diversité d’expression, sa machinerie de réflexion et organisation, ressentie comme en prise directe avec le contexte socio- économique.
Le cinéaste filmera « en live » des personnalités culturelles ou scientifiques, la plupart engagées comme Elvis Costello, Patty Smith, ou des historiens et d’universitaires passionnés (... about the erotic connotations of overstuffed pastrami sandwiches)… En alternant avec l’intervention de personnels impliqués dans l’institution (du staff de direction à l’employé sur le terrain, très souvent exalté de son métier). Il suivra également les activités nocturnes dédiées aux sponsors privés, dont l’importance est bien explicitée, avec en particulier, le Harlem’s Schumburg Center for Research in Black culture, lequel à travers son directeur Khalil Gibran Muhammad… déclare : " What we do, is mind building, life saving"
L’on jubilera devant un atelier de récitation de la déclaration d’indépendance dupliquée pour malentendants, en version implorante et en version révoltée…ou bien devant un cours de danse disco où le cosmopolitisme est ressenti avec attachement…
L’on découvre en background, et presque à la fin, les rouages internes, les entrailles de distribution des livres, véritable usine millimétrée qui ne se laisse distraire que par la clôture nocturne, et dont l’emprise avec le numérique est annoncée comme un enjeu.
Wiseman a achevé ce film, alors que Trump arrivait au pouvoir, cruel boomerang, ou bien au contraire, superbe espoir de lutte et d’utopie sociale que le locataire de la maison blanche, ne pourra jamais écorner, au sein d’une ville frondeuse et indomptable.
L’on sait (c'est hors docu, je ne peux m'empêcher de le dire...) que la police municipale laisse les manifestants manifester au pied de la Trump tower, véritable pied de nez quotidien contre celui que certains New Yorkais qualifient de " C à plein temps… "