Caleb, un jeune informaticien de talent, a été tiré au sort pour vivre une semaine dans la demeure de Nathan, le PDG de Bluebook, multinationale hégémonique dont le parallèle avec Google est à peine voilé. A la façon d'un Charlie et la chocolaterie high tech dont Caleb serait le lauréat, l'inventeur de génie lui demande de tester sa dernière invention, promise à devenir révolutionnaire : un robot dont l'intelligence artificielle paraît plus humaine que nature. Le jeune homme se prête au jeu et tombe, sans se l'avouer, sous le charme du doux visage d'Ava, dont il doit faire la conversation pour déceler les éventuelles anomalies. Mais l'expérience va prendre un tour menaçant lorsque Ava met en garde le jeune homme contre son créateur. A qui Caleb peut-il faire confiance?
Agréablement, le film ne perd de temps pour installer cette situation épineuse. La toute première scène, par le montage et la musique, arrive très bien à renvoyer à certains aspects de notre société actuelle pour créer discrètement un climat d'anticipation. A l'opposé, le choix du décor principal est une base perdue au milieu d'une nature dominante et magnifique, ce qui donne un cadre mystérieux et original.
Le trio d'acteurs principaux est aussi un point fort, bien que Caleb soit légèrement tête à claque et que Nathan ne soit pas complètement crédible en "génie ultime de l'informatique" (ce qui fait aussi le charme du personnage c'est vrai). Le "design" d'Ava est relativement simple mais fonctionne bien. Ses membres transparents et son visage d'ange amènent rapidement notre adhésion pour le personnage, ce qui brouille d'autant plus les pistes pour comprendre qui est vraiment le mastermind de l'histoire.
Hélas, ce climat de doute est un peu trop artificiellement alimenté pour que tout soit parfait. Les scènes s'enchainent et se finissent de manière parfois trop arbitraire, coupant une réaction ou une réplique pour nous laisser dans un doute un peu surfait. Il en résulte que les révélations attendues paraissent intervenir un poil trop tard pour être tout à fait excitantes. Le film est donc un peu distant et l'histoire met un temps certains avant de passer à la vitesse supérieure pour abattre ses cartes. C'est dommage car finalement les dialogues sont bien écrits, certaines métaphores explicatives sont intéressantes et les doses d'humour sont bien amenés. La mise en scène, sans être brillante, arrive quand même à être élégante, avec des jeux sur les images en reflets et de jolies scènes de nature. La musique est aussi un point notable, parfois ironique (le piano qui ne s'arrête jamais de jouer dans le sas d'entrée), parfois angoissante, avec un côté évidemment synthétique.
Le thème de l'intelligence artificielle est un sujet riche et passionnant, qui a donné certains chef d'œuvre de la SF au cinéma comme Blade Runner ou Ghost in the shell. Ex machina, malgré une maitrise du sujet sensible au travers des dialogues, manque quand même, selon moi, de profondeur à ce niveau pour être définitivement marquant. Le fonctionnement d'Ava est finalement peu développé, ce qui peut donner l'impression de raccourcis scénaristiques. De ce fait la résolution n'est qu'à moitié satisfaisante, bien qu'elle permette une part d'interprétation. La dimension humaine ou non du robot reste l'appréciation de chacun et le film ne donne pas vraiment de piste sur le potentiel d'un tel être.