Pour son premier film, le scénariste de "28 jours plus tard" s'attaque à un thème fort de la Science Fiction : l'intelligence artificielle. Qu'est-ce qu'être humain ? Qu'est-ce qui différencie l'homme de la machine ? Une machine rêve-t-elle de moutons électriques ? Autant de questions qui ont déjà été traitées avec brio au cinéma, dans l’animation, dans la littérature ou dans le jeu-vidéo (et là je vous renvoie à la saga Mass Effect ou encore à Portal). Et pourtant, Alex Garland nous livre ici une oeuvre intimiste qui ne brille certes pas par son originalité mais qui demeure malgré tout efficace et parfaitement dans l'air du temps.
Un programmeur du nom de Caleb gagne un concours organisé par son employeur et est invité par ce dernier à passer une semaine en sa compagnie dans son complexe high tech sous-terrain. Caleb découvre bien vite que Nathan, son génie de patron qui a inventé l’équivalent de Google et de Facebook, ne l'a pas invité pour boire des bières et jouer au billard. Non, s'il a été choisi c'est pour être la variable chargée de tester une androïde du nom d'Ava et déterminer si elle a une conscience, ou pas. Durant une semaine, Caleb va interagir avec Ava sous la surveillance vidéo de Nathan mais rapidement une étrange atmosphère s'installe...
Ex Machina se caractérise par un rythme lent ainsi qu'un esthétisme léché et mis en valeur par une superbe photographie accompagnée d'une réalisation qui joue des nombreux miroirs dont est truffé le complexe et cela confère un cachet étrange et fascinant à l'ensemble. Mais si Ex Machina arrive à sortir son épingle du jeu c'est bien à travers son propos qui insuffle une bonne dose de modernité à de solides références. La référence à la machine à laver dans le titre de mon billet n'est pas qu'un jeu de mot idiot, c'est également une forme d'argumentaire. Alex Garland ne réinvite rien avec Ex Machina, il se contente de mettre à la machine les oeuvres traitant de l'IA et de les en resortir toutes propres en sentant bon le frais.
Ainsi, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les conversations de Caleb et Nathan. Les réflexions sur l'exploitation des données du web 2.0 permettent d'entrouvrir des portes que P.K. Dick ou Asimov, pour ne citer qu'eux, ne pouvaient pas imaginer à l'époque. Sans tomber dans la paranoïa du basilique de Roko (Roko's basilisk) et en mettant de coté toutes les oeuvres d'anticipation qui nous (/me) fascinent depuis si longtemps, il est, selon moi, bon de remettre ce sujet sur la table, d'autant plus qu'il est plus que jamais d'actualité.
Ex Machina a peu de chances de réellement surprendre un gros consommateur de SF. Oui, le fan averti se questionnera en permanence sur ce qu'il est entrain de visionner. Est-ce un rêve ? En fait, qui est le robot ? Le sujet de l'expérience, est-ce vraiment Ava ? Et pourquoi tout cela ne serait pas un rêve ou une grosse télé réalité ? Et si en fait il était mort et qu'on faisait des expériences sur lui ? Bref, quand je regarde de la SF je me pose sans arrêt des tonnes de questions et je finis souvent mes visionnages totalement éreinté mais il n'empêche qu'Ex Machina m'a malgré tout bien diverti avec ses questionnements sur l'humanité.
Spoiler
J'aime beaucoup la fin. J'aime bien l'idée que la preuve qu'on soit humain c'est celle qu'on puisse être un monstre. Pour moi, la SF futuriste ce n'est pas du Happy End. Je suis quelqu'un de pessimiste et pour moi, voir Ava laisser sciemment crever Caleb c'est le reflet de notre société moderne gouvernée par l'individualisme. Oui, Ava est égoiste. Elle est également rancunière car comme elle le dit à Caleb, cela la blesse d'apprendre qu'il est juste là pour la tester et juger, en tant que simple humain, si elle doit vivre ou mourir. Quand elle dit à la fin à Caleb de "rester ici", elle fait également preuve d’honnêteté puisqu'elle sait déjà qu'elle va l'abandonner à son sort. On peut également arguer qu'elle l'a manipulé depuis le début mais lors de ce visionnage je ne vois pas assez d'éléments qui permettent de l'affirmer. Mais avec ou sans la manipulation, il est indéniable qu'elle a montré qu'elle avait une conscience et que cette dernière était (en partie !) représentative de celles des Hommes. Alors OK, on aurait pu avoir une happy end où Caleb et Ava s'enfuient, fondent une famille, ont des enfants hybrides...mais personnellement je préfère imaginer qu'Ava découvre la vie, en profite un maximum et cela avant d'intégrer un poste haut placé, lancer le programme Skynet et ainsi préparer l'asservissement des humains par les robots. Ca c'est la SF comme je l'aime !
Ex Machina n'est pas une révolution mais bel et bien une oeuvre de SF contemporaine et honnête. Et pour un premier film, Alex Garland s'en tire admirablement bien car au niveau de la réalisation, de l'utilisation des acteurs et du traitement du sujet; c'est très prometteur pour la suite !