Les références aux préoccupations contemporaines ne se masquent pas derrière des tentatives de fictionnalisation : le créateur génial est clairement un néo-Steve Jobs, Bluebook est un avatar de Google et d'ailleurs la fascination de l'entreprise du moteur de recherche pour l'IA peut tout à fait avoir servi de support scénaristique. Il y a jusqu'à la référence à Wittgenstein qui est rapidement explicitée (un peu maladroitement sur le plan narratif, au reste ça ne dérange pas et cet écart n'est pas répété) et parfaitement légitime sur la question du langage. Il me semble que le contexte de science-fiction est audacieux, original et décalé.
Le jeu d'acteur est vraiment bon, l'idée du test de During est excellente, le scénario ne s'essouffle pas, les questionnements éthiques sur l'IA sont nouveaux, et ceux-ci en particulier encore très rarement traités par le cinéma, l'ambiance angoissante et l'ambiguité des personnages sont performantes et entraînent le spectateur dans un univers autre ; alors, où est le problème et pourquoi seulement 8 ? C'est un film qui mérite de recevoir les plus hautes louanges et m'a paru techniquement tenir debout. Pourtant, il m'a mis mal à l'aise. Je n'ai pas aimé y être, mais je suis heureux d'avoir fait son expérience. En ce sens est-il un véritable bon film, mais l'absence de dimension épique couplée à la fin dérisoire des personnages humains m'a bouleversée et terriblement gêné ; frustrant.
Aussi je reste non pas sur une certaine réserve mais sur une incapacité à adhérer pleinement à ce film aussi brillant que glauque, peut-être ai-je trop besoin de rêver, ou peut-être suis-je trop pleinement impliqué par l'humanité ? À voir, brillant, et ne pas tricher (ne pas mettre douze fois pause pendant le visionnage, éviter de faire autre chose à côté, je crois que les lenteurs participent du processus de stagnation émotionnelle sur laquelle fonctionne l'angoisse de l'intrigue).