Attention, éventuels spoilers
C'est un bon film, au cœur classique et à l'emballage soigné. De bons acteurs (mention spéciale à Oscar Isaac qui interprète Nathan) et une intrigue dont les fils sont proprement tissés.
Entre science-fiction et policier en huis clos, le film convoque les bonnes références et les codes de genre, le tout niché dans une ambiance inquiétante réussie : une maison/centre de recherche construite en sous-sol, avec parois rocheuses en intérieur, lumière artificielle omniprésente ; des vitres qui scindent l'espace et l'écran ; un enchâssement visuel grâce au système de surveillance ; des références cryptiques pour quiconque ignore la sémantique, la philosophie du langage de Wittgenstein, la singularité ou la théorie de la plasticité cérébrale ; etc.
Le personnage de Nathan est antipathique et de plus en plus glaçant, de sa manière de déstabiliser son employé, Caleb, par un humour caustique et l'alternance de remarques chaleureuses ou cinglantes, à la manière dont il aborde les I.A., en passant par son obsession de la musculation et son alcoolisme. Le pompom étant la scène où de Frankenstein, il devient Barbe Bleue.
L'angle d'approche des I.A. est assez inhabituelle sur un point : là où d'autres films et séries consacrent du temps à la question de la moralité des I.A., ici, l'humanité est déterminée par la ruse et la capacité d'adaptation à une situation complexe. Le critère classique de rapprochement entre humanité et I.A., le désir de liberté, est à peine esquissé et son développement encore moins : que l'objectif d'une I.A., une fois "libre", soit de se placer à un point d'observation optimal. On reste dans la boucle "machine/surveillance/contrôle", lointain écho de Skynet.
Néanmoins, quelques scènes valent le détour, en particulier celle où Ava, la dernière I.A. créée par Nathan, dépouille les corps des précédentes I.A. pour s'approprier, littéralement, une peau et parfaire son apparence humaine, son camouflage.