Quête du Graal et Chevaliers de la Table ronde

Les Âges Sombres. La terre sans roi étouffe sous les batailles de petits seigneurs locaux qui se disputent le pouvoir suprême. Devant ce désastre qui perdure depuis des siècles, le mage Merlin décide d'intervenir en faisant du seigneur Uther Pendragon celui qui brandira Excalibur, l'Épée de la Puissance dont hérite les rois. Mais Uther s'avère bien trop impétueux et se montre incapable de régner. Alors Merlin reporte ses espoirs sur le fils d'Uther, un enfant né d'une félonie, un bâtard du nom d'Arthur...


Un élément fondamental différencie Excalibur de la plupart des autres adaptations de la légende arthurienne, quels que soient leur média d'expression : l'emphase que fait ici John Boorman sur la réalité historique. Non l'Histoire au sens factuel du terme, mais bel et bien au sens métaphorique. Car ce récit s'articule en fait bien moins autour des exploits des « Chevaliers de la Table ronde » et de la quête du Graal que des bouleversements sociaux et culturels qui caractérisèrent l'Angleterre quand celle-ci abandonna peu à peu les croyances païennes pour s'ouvrir au monothéisme de la chrétienté. Pour cette raison, Excalibur s'inscrit au registre de l'heroic fantasy sensible, celle qui consacre moins de temps à l'action et aux effets spéciaux qu'à ce qui fait le sel de tous les contes : la magie.


Une magie d'autant plus fascinante qu'elle se montre aussi discrète que puissante, et d'autant plus belle qu'on la sait éphémère. Souvenez-vous : ce récit raconte comment la magie d'antan disparaît pour céder place à l'ordre du dieu unique, ce « Dieu Bon » qui par ailleurs s'encombre peu de fantaisie et dont l'esprit rigoriste se montre le plus souvent assez triste – c'est d'ailleurs un trait caractéristique des figures masculines... Avec sa venue, disparaissent aussi les rondes des fées dans les bois, ainsi que les chants des lutins et les merveilles forgées par les nains, mais aussi toutes ces choses dont on ne se souvient plus qu'à travers ces légendes qu'on se transmet de générations en générations – comme celle de ces épées magiques que brandissent les héros dans leur quête, justement...


Pourtant, l'abandon du paganisme et du polythéisme qui le caractérise, à travers l'essor du monothéisme, demeure une maturation difficile à contester de la religion, c'est-à-dire d'une certaine représentation du monde. Nul besoin d'y regarder de bien près, en effet, pour s'apercevoir qu'adorer une divinité parmi d'autres revient à idolâtrer une seule partie d'un tout bien plus vaste, soit une fraction qui doit bien venir de quelque part. La différence fondamentale entre le polythéisme et le monothéisme vient de que ce dernier préfère se consacrer au principe initial qui a engendré tous les autres plutôt qu'à un de ces descendants, en suivant le raisonnement somme toute assez logique comme quoi le « père » de ces divinités est plus grand que chacune d'elle puisqu'il les a créées.


Bref, les monothéismes préfèrent s'adresser au Bon Dieu plutôt qu'à ses saints – on a vu des réflexions plus simples que celle-là... Et, n'en déplaise à certains intégristes de l'anticléricalisme, la religion a elle aussi participé à faire du monde ce qu'il est aujourd'hui, en dépit de ses excès bien réels et tout autant regrettables. Par exemple par la préservation du savoir de l'Antiquité à travers le travail de traduction et de copies des moines, ou plus simplement par l'invention des hôpitaux. Mais aussi par des influences moins évidentes. Ainsi, le philosophe américain Alfred N. Whitehead (1861-1947) avança que l'idée médiévale d'un Dieu unique et tout puissant était capitale pour la science car elle supposait la notion d'ordre de la nature...


Mais le propos d'Excalibur n'est pas celui-là car l'intention du réalisateur se bornait à retranscrire le plus fidèlement possible le cycle arthurien. Bien que le scénario de ce film se basait au départ sur une première interprétation, celle de Thomas Mallory (1405-1471) et de son roman Le Morte d'Arthur, il dut subir des coupes importantes pour devenir un projet viable sur le plan financier ; celles-ci impliquèrent en particulier certains raccourcis chronologiques et les fusions de plusieurs personnages ou situations.


Les connaisseurs n'auront aucun mal à distinguer les bifurcations que prend cette version par rapport au conte original. Mais eux comme les autres y trouveront ce qui fait la substance de ces récits éternels qu'on appelle des légendes.


Récompenses :



  • Festival de Cannes : Prix de la contribution artistique (John Boorman)

  • Saturn Awards : Meilleurs costumes (Bob Ringwood)


Notes :


Composée par Trevor Jones, la bande originale inclut des morceaux célèbres de musiques classiques, tels que la Carmina Burana de Carl Orf (1895-1982) ou bien les compositions de Richard Wagner (1813-1883) pour ses opéras Le Crépuscule des Dieux, Tristan et Isolde ou encore Parsifal – les connaisseurs auront remarqué que ces opéras adaptent les équivalents, dans les mythologies germaniques, des épisodes de la légende arthurienne, à peu de choses près.


En raison de la longueur réduite de cette adaptation, qui compte à peine un peu plus de deux heures, les comédiens ne furent pas choisis pour leur talent ou leur personnalité mais pour leur proximité avec le personnage qu'ils devaient incarner afin d'en faire ressortir les traits principaux au plus vite. La plupart étaient d'ailleurs de parfaits inconnus...


Le tournage s'étendit sur 20 semaines et se déroula en intégralité en Irlande où il contribua beaucoup à créer des emplois en raison de la volonté de Boorman d'engager exclusivement de la main-d'œuvre locale.

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le 24 juin 2011

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