Exhuma
6.6
Exhuma

Film de Jang Jae-Hyun (2024)

Un duo d’enquêteurs se retrouvant sur une affaire teintée de zones d’ombre, forcé de collaborer avec un professionnel bourru mais attachant, et dont la progression dans la résolution du mystère mettra au jour une conspiration d’une ampleur inattendue. Une accroche digne d’un polar à l’ancienne, la différence étant que le duo est question est constitué de chamans capable d’interagir avec les esprits. Quant au professionnel bourru (l’immense Choi Min-sik, dans un registre bien différent des compositions hallucinées ayant fait sa renommée internationale), il s’agit d’un expert en géomancie, science ésotérique liée à la terre.

 

Ce mélange entre thriller policier et épouvante surnaturelle est le point fort indéniable de cet Exhuma et est probablement à l'origine de son succès retentissant en Corée du Sud. En plus de faire souffler un authentique vent de fraîcheur sur le genre du film d’exorcisme, il a le mérite non négligeable de nous débarrasser des sempiternelles bondieuseries réactionnaires assénées à foison par les productions type Blumhouse. Le mysticisme (davantage orienté vers une conception animiste et respectueuse de la nature que vers une croyance en un dieu omnipotent) fusionne sous la caméra de Jang Jae-hyun avec une approche plus scientifique et terre-à-terre : ici, on garde ses baskets après avoir revêtu sa robe de prêtre, on discute des tarifs avec le client en fonction de l'exorcisme à pratiquer, et on prépare les rituels selon un protocole bien précis. Ajoutons à cela le folklore coréen, en grande partie inconnu du spectateur occidental, et le dépaysement est garanti.

 

L'intrigue, structurée en plusieurs chapitres, ménage comme tout bon polar de nombreux retournements, dont un twist central relançant complètement les enjeux et faisant surgir une menace aussi terrifiante dans son iconographie que dans sa brutalité (le film n'hésitant pas à flirter avec l'horreur gore). Un ennemi d'autant plus réussi que le long-métrage retarde au maximum son apparition tout en faisant comprendre au spectateur sa dangerosité, dans une montée en tension très spielbergienne pour un résultat d'une efficacité redoutable. Et qui, c'est assez rare pour le souligner, nous fait sérieusement craindre pour la vie de personnages suffisamment bien caractérisés pour susciter notre empathie.


Le surnaturel est également l'occasion pour le réalisateur d'évoquer le rapport aux péchés de nos ancêtres, et la façon dont ces derniers peuvent se transmettre telle une malédiction aux générations futures. On notera aussi, comme souvent dans les productions sud-coréennes, un ressentiment prononcé envers la manière dont les autorités japonaises continuent de nier les exactions commises par leur armée au cours du siècle précédent.


Si la comparaison avec The Strangers (assez inévitable au vu du genre et des thématiques abordés), ne rend pas forcément service à Exhuma tant le long-métrage de Na Hong-jin le surpasse sur quasiment tous les plans, on aurait tort de bouder ce digne représentant d'un cinéma populaire de qualité.

Little-John
8
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le 8 sept. 2024

Critique lue 14 fois

Little John

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