Depuis le milieu des années 90, les films d'action n'ont plus la côte à Hong Kong. La raison de cet état de fait est une combinaison de facteurs : désaffection du public local pour un genre surexploité, perte d'intérêt des acheteurs étrangers, concurrence accrue d'Hollywood en pleine tentative de digestion de la touche Hongkongaise. Pour autant, les producteurs et réalisateurs locaux sont loin d'avoir perdu tout intérêt dans ce genre qui a apporté une bonne partie de sa gloire à l'industrie du cinéma de l'ex-colonie. C'est pourquoi, on a pu assisté à quelques tentatives ponctuelles de redonner un coup de fouet au film d'action made in HK. Celles-ci ont pris des formes différentes. Certains ont essayé de renouer avec une approche classique du genre (Drunken Monkey) mais la plupart ont tenté de lier action et modernité afin de retrouver les faveurs du public. Extreme Challenge est de ceux là.

Conscient de l'évolution des goûts du public en matière d'arts martiaux, les scénaristes d'Extreme Challenge ont essayé de coller au plus prêt de la mode grandissante des compétitions libres, les K1, Pride et autres UFC. Le film est donc entièrement bâti sur un de ces tournois où des combattants du monde entier et de tous styles différents se réunissent pour déterminer qui est le meilleur d'entre eux. En réalité, ce type de concept sent le déjà vu à plein nez. Il n'est qu'une version « mondialisée » de ces films de Kung Fu des années 70 (King Boxer) ou 80 (Bloodsport) où c'est le ring qui est le point focal du récit.
Mais se concentrer uniquement sur les affrontements successifs qui constituent le tournoi d'arts martiaux n'est pas suffisant pour un long métrage. Autant voir les retransmissions de K1 à la TV. Pour un film, il est nécessaire d'ajouter une bonne dose d'émotions afin d'impliquer le public. Il s'agit essentiellement d'une grosse louche de drame et de petites pointes de romance ou/et d'amitié. Extreme Challenge, sous ses faux airs de film branché, applique à la lettre les règles éprouvées de ce sous genre. Les principaux protagonistes ont tous leur passé, leurs motivations propres et leurs affinités. L'ensemble de ces facteurs permet d'étoffer le personnages et, même si c'est parfois fait avec maladresse (des amitiés qui se forment trop rapidement, des sentiments forcés), nous les rend plus attachants, permettant un peu plus d'implication dans un récit finalement très prévisible.
Le tableau du « film de tournoi » type ne serait pas complet si on avait pas également droit à la petite traîtrise de service. Vous savez ? Le sable dans les yeux du héros, le kidnapping de la fiancée du gentil... Extreme Challenge, toujours dans son idée de faire du neuf avec du vieux, applique la formule en l'adaptant à l'époque moderne. Le méchant n'est plus directement le combattant mais l'entrepreneur capitaliste qui corrompt les valeurs martiales avec sa volonté de faire de l'argent. Un message pas particulièrement finaud mais qui, au vu de la « sportisation » des arts martiaux, de sa médiatisation en un show visant le spectaculaire avant tout, n'est pas foncièrement dénué de justesse. C'est également plutôt appréciable que les scénaristes aient cherché à inclure cette pointe de critique dans le cadre d'un film fait à HK, ville où la réussite financière est le facteur numéro 1.

Le projet d'ensemble d'Extreme Challenge s'applique bien sûr aux combats. Parce que mettre en scène une succession de combats dans un simple ring n'offrait que peu d'opportunités chorégraphiques originales, Tung Wei décide de transformer son tournoi en un espèce de parcours du combattant mélange d'entraînement de commandos et d'Intervilles. L'idée est plutôt bonne mais pas exploitée jusqu'au bout de son potentiel (on aurait pu jouer davantage autour de certains accessoires), probablement à cause du manque de pratique des chorégraphes en la matière (Jack Wong, Chris Chan et Anthony Carpio, excellents cascadeurs, semblent manquer d'un peu d'imagination dans la chorégraphie).
Cette relative inexpérience se ressent également dans les combats plus classiques, un contre un. Les chorégraphies y sont un minimum techniques et rythmées mais il manque le petit grain de virtuosité qui fait la différence entre un chorégraphe de premier rang (les Lau Kar Leung, Samo Hung, Yuen Brothers ou Leung Siu Hung) et les autres. Ces combats ne sont d'ailleurs pas mis en valeur proprement à travers les tentatives de modernisation de mise en scène et de montage. Ralentis accélérés, freeze frame, noirs et blancs soudains... Le petit film Hong Kongais a voulu faire aussi impressionnant visuellement que ses alters égo Hollywoodiens sans réaliser que cela ne servait pas à la mise en valeur de l'action. D'autant plus dommage que les jeunes acteurs (une modernisation du film d'arts martiaux passe par l'utilisation de nouveaux visages) s'en sortent correctement dans l'essentiel des séquences de combats.

5 ans après sa sortie, on sait à quel point la tentative d'Extreme Challenge d'apporter un peu de sang neuf aux films d'arts martiaux a fait long feu. Il reste tout de même un long métrage divertissant à défaut d'être à la hauteur de ses ambitions affichées.
Palplathune
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le 25 févr. 2011

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