Les spécimens déterrés pour cette enquête témoignent d'un temps effrayant et heureusement révolu.
Observons leur anatomie : chapeau aiguisé, sourcils bas, regard laser qui fend l'horizon, lèvres lourdes, menton haut, veste rapeuse, insignes ternes, ceinture chargée, gâchette moite, menottes brusques, réflexes létaux, flegme menaçant, voix rauque, punchline graveleuse, homophobie irascible, mise au point péremptoire, honneur métastatique, obéissance dévouée aux ordres les plus immoraux, respect rare réservé au plus offrant, imperturbablement debout même quand ils sont assis.
Ils sont les vestiges de l'âge des étalons-coqs à la masculinité virile, des chaudrons de testostérone alpha-llocrates au machisme garçon de vrai mec mâle, caricatures parodiques pétries du plus total, du plus parfait, du plus profond sérieux - entraînés qu'ils sont par des centaines de séances de tir à ne surtout jamais prendre aucun recul.
Les individus de cette période heureusement oubliée pensaient peu, mais un concept anatomique minimal occupait leur esprit. Un défouloir obsédant, souvent l'objet d'une vantardise mal assumée, mais aussi parfois d'un poster : les femmes. C'était même plus qu'un concept, une réalité puiqu'on en a retrouvé au moins une, dont voici la nomenclature : une chevelure exotique, des mains patientes au pieu, des seins qui demandent des comptes en sortant de la douche, une taille qui enrage aux mains du félon.
Ces rappels historiques posés, nous voilà devant un film qui sait divertir le chef de famille bourru et titiller son attention pointue.
Techniquement, sous la lumière torve rendue diffuse par la poussière du bas-côté, la fumée du saloon et les nuages d'incendies, une musique aux rouages graisseux et à la tuyauterie plaintive accompagne une caméra nerveuse qui à travers des Ray-Ban bancales ou des triples foyers, des jumelles hors d'âge, des écrans parasités, des bas sur la tête, une sueur épaisse ou des vapeurs d'alcool, fagote des gros plans experts sur des modèles variés de canons, de détentes et de munitions, sur des agonies d'animaux nuisibles, des goulots de single malt, des coffres rouillés, des blindages malmenés, des mécaniques ensablées, des câblages confus et des comptes à rebours chicanants.
Narrativement, un commando de mercenaires déjà morts et une hiérarchie ingrate côtoient des stupéfiants lucratifs , une garde rapprochée patibulaire menace une alliance risquée, un triangle amoureux tragique provoque un body count fulgurant. Et un préjudice mon gars, un préjudice... je te raconte pas l'extrémité.
Et puis y'a le shérif... Le shérif... Il n'y a pas de qualificatif pour ce shérif. Une légende prétend que Chuck Norris aurait autrefois tenté d'approcher par les mots la dignité du shérif. Mais...
bref.
En vrai t'as compris : j'ai bien kiffé.