EWS

Œuvre somme et testamentaire de Kubrick, "EWS" atteint un degré de minutie et de perfectionnisme tout simplement incroyable dans son imagerie, dans sa mise en scène ou dans sa documentation.

Avec d'innombrables thématiques brossées sur un ton très pessimiste, et tout en faisant fi de manichéisme, le cinéaste dépeint la vie tumultueuse d'un couple new-yorkais aisé en un ascenseur émotionnel puissant et fascinant, jouant sur une multitude de dualités comme la confiance et la défiance, et faisant donc la part belle à une psychologie constamment dans la nuance. A l'aide de cette union le film se fait le réquisitoire de pas mal de choses de façon très subtile, réfléchie et édifiante. Déceler toutes les symboliques et analyser la narration visuelle chère au bonhomme requiert en effet plusieurs visionnages. Et c'est avec le recul et l'attention nécessaire que l'on arrive à cerner la marque d'un grand film comme avec ce dernier-né de SK.

L'intrigue baigne dans une atmosphère très troublante, envoûtante et mystique jusqu'à atteindre son point d'orgue avec cette fameuse scène de la secte occulte. Le couple formé par Tom Cruise et Nicole Kidman fait des merveilles et leur alchimie est indéniablement convaincante à l'écran. Mention spéciale à TC qui campe un médecin en proie au doute d'une manière très humaine et sensible.

Après une relecture complète et après m'être informé d'un décryptage très exhaustif dessus, ce film représente selon moi ce qui se fait de plus abouti et osé dans la filmographie de ce monstre du cinéma pour le jusqu'au-boutisme forcené de son propos. Parce que si on est bien attentif au film celui-ci laisse planer un mystère crucial concernant la compagne jouée par Kidman (cf le plan du masque sur l'oreiller) mais aussi un autre absolument terrifiant à la toute fin en arrière-plan dans le magasin de jouets. Kubrick laisse donc travailler l'imaginaire là-dessus, et c'est très judicieux tant cela renforce le propos en filigrane qui est très fataliste.

Un long-métrage énormément sous-évalué pour qui s'arrête à ses apparences, qui a choqué là où on ne l'attendait pas, mais qui reste une perle rare et précieuse de part la profondeur vertigineuse qu'il a réussi à atteindre, avec une forme totalement au service du fond.

Le scénario est imprévisible et possède un suspense ultra solide, l'esthétique feutrée avec ses couleurs est sublime et apporte un cachet fou à l'ensemble, les musiques sont fabuleuses bref, je ne compte plus les qualités. Un must et l'un de mes films préférés ! Et peut être même mon Kubrick préféré...