Après Full Metal Jacket et douze ans d'absence, Stanley Kubrick revient sur grand écran pour un ultime film qui sera quasi-inachevé. Décédé avant d'avoir pu complètement terminer le montage, le metteur en scène a continué d'imposer sa sempiternelle folie jusqu’au-boutiste. Un interminable tournage éprouvant de presque deux ans, des reshoots incessants entraînant le départ de certains membres du casting (Harvey Keitel et Jennifer Jason Leigh remplacés par Sydney Pollack et Marie Richardson), la direction d'acteurs légendaire de Kubrick et des plans méticuleusement tournés plusieurs fois auront raison de ce film hybride, difficilement abordable et particulièrement atypique.
Le couple-phare d'Hollywood Tom Cruise et Nicole Kidman arrive à établir une certaine complicité à l'écran à base de "Je t'aime moi non plus" intrigant, sensuel et naturel. Mais ce qui rebute le plus, c'est l'intrigue, le scénario étant extrêmement étrange, quelque fois décalé (la mésaventure avec Mr. Milich et sa fille, la partouze géante...), comprenant nombre de dialogues le plus souvent vains et de séquences rappelant parfois les méfaits de David Lynch ou Roman Polanski. Habile lors des scènes érotiques, d'une chaleur palpable, mais maladroit lorsqu'il essaie de proposer un thriller alambiqué à base de société secrète et de conspirations, Kubrick n'arrive jamais à savoir sur quel pied danser.
Complexe, l'intrigue trouve sens et ne va pas n'importe où. Mais en cela vient un problème majeur : le film divise. Indéniablement. On entre dans l'univers présenté ou l'on en sort immédiatement. Deuxième option pour ma part, Eyes Wide Shut ne m'ayant apporté qu'un profond ennui à force de scènes infructueusement longues et d'une histoire inutilement confuse où, en dépit des nombreux shoots et du soin dingue que l'on connait de Kubrick à la production design, on ne gardera pas du film un souvenir impérissable. Surtout pour un dernier film.